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Ils ont fumé des joints, mais pour la science, avec de l’herbe fournie par la police : une étude présentée mercredi évalue les effets de la consommation occasionnelle et chronique de cannabis sur la conduite © AFP/Archives FRANCOIS NASCIMBENI

Ils ont fumé des joints, mais pour la science, avec de l’herbe fournie par la police : une étude présentée mercredi évalue les effets de la consommation occasionnelle et chronique de cannabis sur la conduite, en se basant, fait rare, sur ce qui se passe quand on fume vraiment.

« Pour la plupart des études, on utilise des sprays ou des décoctions. Là, on montre réellement ce qui se passe dans la vraie vie, avec du cannabis fumé, ce qui est important du point de vue médical », explique l’un des auteurs, Jean-Claude Alvarez, spécialiste de pharmacologie et toxicologie à l’Inserm.

Si la drogue était bien réelle, l’expérience n’a (évidemment) pas été menée sur la route : les fumeurs ont pris le volant d’un simulateur de conduite. Le Pr Alvarez a présenté cette étude baptisée Vigicann mercredi 18 septembre à Paris devant l’Académie nationale de pharmacie. Le premier volet a été publié en mars dans la revue médicale américaine Clinical Chemistry.

Il montre que les effets du cannabis sur la conduite sont plus importants et durent plus longtemps chez les fumeurs occasionnels (un ou deux joints par semaine) que chez les fumeurs chroniques (un ou deux joints par jour). Le second volet doit être publié prochainement et portera sur les tests salivaires utilisés par la police dans les contrôles routiers.

L’étude a été menée en 2017-2018 par des chercheurs des hôpitaux Raymond Poincaré à Garches (AP-HP) et Sainte-Marguerite à Marseille.

Ils ont recruté 30 fumeurs de cannabis, rémunérés, des hommes de 20 à 34 ans dont une moitié était des fumeurs occasionnels et l’autre des fumeurs chroniques. Le recrutement s’est fait par voie d’affichage dans « des facs de médecine et de droit », explique le Pr Martinez, sans préciser lesquelles.

L’expérience s’est déroulée durant trois sessions de 26 heures. Le cannabis utilisé était de l’herbe – « de qualité » selon les chercheurs – qui provenait des saisies policières, après le feu vert des autorités judiciaires. La méthodologie était stricte, comme dans toute expérience de ce type.

15 bouffées

D’abord, le dosage était très précis. L’herbe a été mélangée à un gramme de tabac pour obtenir des joints contenant 10 et 30 milligrammes de THC, principe actif du cannabis. Pour pouvoir comparer, certains joints étaient des placebos : ils contenaient du chanvre sans THC et une quantité minime de vieux cannabis (faiblement dosé), pour reproduire l’odeur d’un vrai joint.

Tous les joints, vrais ou placebos, étaient roulés avec du tabac très odorant, de l’Amsterdamer, pour qu’il soit difficile de les différencier. Les joints étaient fumés selon un protocole précis : une inhalation de 2 secondes toutes les 40 secondes pendant dix minutes, soit 15 bouffées. Ensuite, les fumeurs passaient au simulateur de conduite qui reproduisait la circulation sur une autoroute, avec des rafales de vent déviant les trajectoires. Le processus s’accompagnait de prises de sang et de tests salivaires.

Résultat sans surprise : la consommation de cannabis entraîne une augmentation rapide du THC dans le sang, ce qui allonge le temps de réaction. Mais cet allongement est plus marqué chez les fumeurs occasionnels, sur qui, en outre, l’effet dure plus longtemps (13 heures contre 8 pour les chroniques).

Cela s’explique par « une tolérance plus grande » aux effets de la drogue chez ceux qui fument le plus. À l’inverse, le THC reste détectable dans le sang plus longtemps chez les fumeurs chroniques. Enfin, l’étude révèle des différences dans la façon même de fumer : « Les chroniques tirent davantage sur les joints, car cela leur fait moins d’effet et ils ont besoin d’une dose supérieure », selon le Pr Alvarez. L’expérience a valu aux chercheurs français des critiques de collègues américains, heurtés par le fait qu’on utilise de vrais joints, dit le Pr Alvarez.

« Bien entendu, nous n’avons initié personne, les sujets étaient tous consommateurs », insiste-t-il. En France, depuis 2010, quelque 500 personnes sont tuées chaque année dans un accident de la route avec stupéfiants (cannabis ou autres), selon les chiffres officiels.