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Les projets de gé-oingénierie solaire destinés à refroidir la surface de la Terre et limiter le réchauffement climatique sont potentiellement dangereux, selon des experts et des scientifiques © AFP/Archives Chandan Khanna

Les projets de géo-ingénierie solaire destinés à refroidir la surface de la Terre et limiter le réchauffement climatique sont potentiellement dangereux et devraient être bloqués par les gouvernements, plaident 60 experts et scientifiques dans une lettre publiée lundi par la revue Es Climate Change. Injecter des milliards de particules de soufre dans la couche supérieure de l’atmosphère – un des projets les plus controversés de modification intentionnelle des rayonnements solaires – pourrait renvoyer une partie des rayons du Soleil, mais les effets secondaires risquent de dépasser les bénéfices, insiste cette lettre ouverte accompagnée d’un article. 

« Le déploiement de la géo-ingénierie solaire ne peut pas être géré au niveau mondial de manière juste, inclusive et efficace. Nous appelons donc les gouvernements, les Nations unies et autres acteurs à prendre des mesures politiques immédiates pour empêcher la normalisation de la géo-ingénierie solaire en tant qu’option contre le réchauffement », écrivent les signataires.

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Anomalies de températures repérées chaque année dans le monde, entre 2002 et 2021, par rapport à la moyenne de la période 1981-2010 © AFP Kenan Augeard

La planète a gagné environ +1,1 °C depuis l’ère pré-industrielle, entrainant déjà une multiplication des canicules, inondations ou tempêtes. Le monde s’est engagé à limiter ce réchauffement bien en deçà de +2 °C, +1,5 °C si possible, mais les experts climat des Nations unies (GIEC) estiment que le seuil de +1,5 °C pourrait déjà être atteint autour de 2030. Et face à l’échec à réduire les émissions de CO2 responsables du réchauffement, certains responsables politiques soutiennent désormais la géo-ingénierie, pour gagner du temps.

Les scientifiques savent depuis longtemps qu’injecter d’importants volumes de particules réfléchissantes dans la couche supérieure de l’atmosphère pourrait refroidir la planète. Les projections de l’éruption du volcan Pinatubo aux Philippines en 1991 avaient d’ailleurs réduit la température moyenne de la surface de la Terre pendant un an. Mais la lettre ouverte met surtout en avant les risques. 

Une modification intentionnelle des rayonnements solaires pourrait par exemple perturber le régime des moussons en Asie du Sud et dans l’ouest de l’Afrique et pourrait ainsi détruire les cultures dont des centaines de millions de personnes dépendent, selon des études déjà publiées. Et si la modification des rayonnements prenait fin « pour une raison quelconque, il est très probable que la température de la surface augmenterait rapidement », estime le GIEC.

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Évolution mensuelle de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone et de méthane, depuis 2003 © AFP/Archives Cléa Péculier

De plus, cette technologie n’empêcherait pas le CO2 de continuer à s’accumuler dans l’atmosphère. Les signataires, comme le professeur Aarti Gupta de l’université néerlandaise de Wageningen ou le président de l’Agence allemande de l’environnement Dirk Messner, s’inquiètent également du risque de créer un faux espoir de solution face au réchauffement, ce qui pourrait « dissuader les gouvernements, les entreprises et les sociétés de faire tout leur possible pour parvenir à la neutralité carbone dès que possible ».

Enfin, les experts soulignent l’absence de gouvernance pour surveiller ces projets. La lettre ouverte appelle donc à un « accord international de non-utilisation » qui bloquerait le financement, l’expérimentation et l’octroi de brevets à ces technologies, sans pour autant mettre un terme aux recherches scientifiques.