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Une boîte de mifépristone (RU 486), utilisée dans près de deux tiers des avortements aux États unis, lors d’une manifestation devant la Cour suprême, le 26 mars 2024 à Washington © AFP/Archives Drew Angerer

La Cour suprême américaine a restauré jeudi le plein accès à la pilule abortive, que les plus farouches opposants à l’IVG voulaient restreindre, mais le président Joe Biden a appelé à ne pas baisser la garde face à leurs attaques. 

Dans leur arrêt unanime, les neuf juges de la cour à majorité conservatrice dénient l’« intérêt à agir », condition pour saisir la justice, des plaignants -- des associations de médecins ou des praticiens hostiles à l’IVG qui ne prescrivent ni n’utilisent la pilule mifépristone, utilisée dans la majorité des avortements dans le pays. Ils annulent donc la décision d’appel, qu’ils avaient de toute façon suspendue. 

Une cour d’appel, composée de juges ultraconservateurs, avait rétabli en 2023 plusieurs des restrictions d’accès à la mifépristone, pilule utilisée pour les IVG médicamenteuses, levées par l’Agence américaine des médicaments (FDA) depuis 2016. « Les plaignants n’ont pas démontré que l’assouplissement des règles de la FDA leur porterait probablement préjudice dans les faits », écrit dans sa décision, au nom de la Cour suprême, le juge Brett Kavanaugh. « Pour cette raison, les tribunaux fédéraux ne sont pas la voie adéquate pour répondre aux inquiétudes des plaignants au sujet des actions de la FDA », ajoute-t-il, soulignant qu’ils peuvent en saisir le pouvoir exécutif ou législatif. 

Le président démocrate Joe Biden, qui a fait de la protection du droit à l’avortement un axe de sa campagne pour l’élection de novembre face à son prédécesseur républicain Donald Trump, a pris acte de la décision, mais souligné que « la lutte continuait ». « Cette décision ne change pas le fait que des millions d’Américaines vivent aujourd’hui sous de cruelles interdictions d’avortement à cause de Donald Trump », a renchéri sa vice-présidente Kamala Harris. « Ni les menaces sur les avortements médicamenteux », a-t-elle ajouté.

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La Cour suprême des Etats-Unis, à Washington, le 13 juin 2024 © AFP Saul Loeb

Par son arrêt historique de juin 2022 annulant la garantie fédérale du droit à l’avortement, la Cour suprême a redonné aux États toute latitude pour légiférer dans ce domaine. Depuis, une vingtaine ont interdit l’IVG (interdiction volontaire de grossesse), qu’elle soit réalisée par voie médicamenteuse ou chirurgicale, ou l’ont strictement encadrée. 

Donald Trump se targue d’avoir, par ses nominations de trois juges conservateurs à la Cour suprême, permis le revirement de jurisprudence de juin 2022.

« Prêt à tout » 

L’institut Guttmacher, un centre de recherche favorable au droit à l’avortement dont les études font autorité, s’est dit « soulagé » que la Cour suprême ait pris « la seule décision raisonnable » possible sur la mifépristone, mais a déploré que cette plainte « de mauvaise foi et sans base factuelle ou scientifique » n’ait pas été rejetée bien avant. « Nous devons rester vigilants. Le mouvement anti-avortement poursuit sans relâche son objectif d’interdire l’avortement à l’échelle nationale », a ajouté Destiny Lopez, coprésidente de l’institut Guttmacher.

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Des militants pro-avortement devant la Cour suprême des États-Unis, le 15 avril 2023 à Washington © AFP/Archives Andrew Caballero-Reynolds

La présidente du Center for Reproductive Rights, (Centre pour les droits reproductifs), Nancy Northup, a salué la décision, mais également estimé que « ce dossier sans fondement n’aurait jamais dû arriver aussi loin ». « Malheureusement, les attaques contre les pilules abortives ne s’arrêteront pas là », a-t-elle prévenu, soulignant que le mouvement anti-avortement était « prêt à tout pour en bloquer l’accès ». 

L’organisation chrétienne conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), qui représentait les plaignants, s’est dite « déçue que la Cour ne se soit pas prononcée sur le fond sur les actions illégitimes de la FDA », mais a réaffirmé que les allègements des règles décidées par l’agence mettent en danger la santé des femmes. Invoquant des risques potentiels pourtant écartés par le consensus scientifique, la décision d’appel, si elle avait été confirmée, aurait ramené la limite de dix semaines de grossesse à sept, interdit l’envoi des comprimés par voie postale et rendu de nouveau obligatoire la prescription exclusivement par un médecin.

Près des deux tiers des avortements (63 %) aux États-Unis en 2023 ont été réalisés par voie médicamenteuse, selon l’institut Guttmacher. Sur un autre front de la bataille pour les droits reproductifs, les sénateurs républicains ont bloqué jeudi une proposition de loi démocrate pour protéger l’accès à la fécondation in vitro (FIV). « Les amis de Trump au Sénat montrent une fois de plus qu’ils ne reconnaissent pas aux femmes le droit fondamental de prendre des décisions pour leur santé et leur propre corps », a réagi Kamala Harris.