Encore un contretemps pour le premier vol avec équipage du vaisseau Starliner de Boeing : son décollage vers la Station spatiale internationale, qui souffre déjà de plusieurs années de retard, a été annulé lundi 06 mai 2024 seulement deux heures avant le moment prévu du lancement à cause d'un problème technique. 

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Photo diffusée par la NASA de la fusée Atlas V du groupe ULA et de la capsule spatiale Starliner de Boeing sur la rampe de lancement éclairée par des projecteurs, avant le test de vol de l'équipage, le 5 mai 2024 à Cap Canaveral, en Floride © NASA/AFP Joel Kowsky

Une anomalie a été identifiée sur une valve de la fusée Atlas V qui doit propulser la capsule Starliner en orbite, a annoncé le constructeur du lanceur, le groupe United Launch Alliance (ULA). « L'équipage n'a jamais été en danger », a par ailleurs assuré lors d'une conférence de presse Tory Bruno, le patron de ULA, une co-entreprise réunissant Boeing et Lockheed Martin.

ULA a indiqué qu'une nouvelle tentative, dépendant de l'analyse réalisée par ses équipes, pourrait avoir lieu vendredi au plus tôt. « Les équipes ont besoin de temps supplémentaire pour faire une évaluation complète, nous nous fixons comme objectif une prochaine tentative le vendredi 10 mai au plus tôt », a écrit ULA sur le réseau social X.

Les astronautes américains Butch Wilmore et Suni Williams devaient décoller dans la soirée lundi de Cap Canaveral, en Floride. Les préparatifs s'étaient d'abord passés sans problème : la fusée avait été remplie de carburant, la météo était idéale et les astronautes étaient installés dans leur siège. Ils devront finalement encore patienter.

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Les astronautes de la Nasa Butch Wilmore (g) et Suni Williams au Centre spatial Kennedy, le 6 mai 2024 à Cap Canaveral, en Floride © AFP Miguel J. Rodriguez Carrillo

Boeing joue gros sur cette ultime mission test, qui doit permettre à son vaisseau de rejoindre le club très privé des véhicules spatiaux ayant transporté des êtres humains. Le géant de l'industrie aérospatiale doit démontrer que sa capsule est sûre avant de commencer les missions régulières vers la Station spatiale (ISS) - avec quatre ans de retard sur SpaceX.

Pour la Nasa, qui a commandé ce véhicule il y a dix ans, l'enjeu aussi est grand : avoir un deuxième véhicule en plus de celui de SpaceX pour transporter les astronautes américains devra permettre de mieux répondre à « différents scénarios » d'urgence, par exemple en cas de problème sur l'un des vaisseaux, a souligné Dana Weigel, chargée du programme de l'ISS.

Série de déboires

La réussite de cette mission serait par ailleurs plus que bienvenue pour Boeing, dans la tourmente pour des problèmes de sécurité sur ses avions, et dont le programme de développement de Starliner s'est transformé en saga marquée par les mauvaises surprises et les reports successifs.

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Infographie sur le vaisseau spatial Starliner de Boeing qui va effectuer sa première mission avec équipage vers la Station spatiale internationale (ISS) © AFP Gal Roma, Valentina Breschi

En 2019, lors d'un premier test sans équipage, la capsule n'avait pas pu être placée sur la bonne trajectoire et était revenue sans atteindre l'ISS. 

Puis en 2021, alors que la fusée se trouvait sur le pas de tir pour retenter le vol, un problème de valves bloquées, cette fois sur la capsule, avait encore entraîné un report.

Le vaisseau vide avait finalement réussi à atteindre l'ISS en mai 2022.

Boeing avait ensuite espéré pouvoir réaliser son premier vol habité la même année. Mais des problèmes découverts tardivement, notamment sur les parachutes freinant la capsule lors de son retour dans l'atmosphère, ont de nouveau engendré des retards.

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La fusée Atlas V du groupe ULA et la capsule Starliner de Boeing à son sommet sur le pas de tir du Centre spatial Kennedy, le 4 mai 2024 à Cap Canaveral, en Floride © AFP Miguel J. Rodriguez Carrillo

« Il y a eu un certain nombre de choses qui ont été des surprises, que nous avons dû surmonter », a reconnu Mark Nappi, responsable chez Boeing. Mais « cela a rendu nos équipes très fortes », a-t-il affirmé. « Il est assez classique que le développement d'un véhicule spatial pour humains prenne dix ans », a-t-il ajouté.

Battu par SpaceX

Seule une poignée de vaisseaux américains ont transporté des astronautes par le passé. La capsule Dragon de SpaceX a rejoint cette liste en 2020, succédant aux mythiques programmes Mercury, Gemini, Apollo et des navettes spatiales. 

Après l'arrêt de ces dernières en 2011, les astronautes de la Nasa ont dû voyager à bord des vaisseaux russes Soyouz. C'est pour mettre fin à cette dépendance qu'en 2014, l'agence spatiale américaine a passé un contrat de 4,2 milliards avec Boeing et de 2,6 milliards avec SpaceX pour le développement de nouveaux vaisseaux. Malgré cette différence de financements, « SpaceX a fini quatre ans avant » son concurrent, n'a pas manqué de rappeler hier Elon Musk, le patron de SpaceX.

Une fois Starliner opérationnel, la Nasa souhaite alterner entre les vols de SpaceX et Boeing pour acheminer ses astronautes jusqu'à l'ISS. 

Après la mise à la retraite de l'ISS en 2030, les deux vaisseaux pourraient servir à acheminer des humains vers de futures stations spatiales privées.