Si vous aimez jardiner, vous savez sans doute que la formule magique, pour des plantes en bonne santé, est « NPK ». Ces trois symboles correspondent à l’azote (N) – présent dans l’air –, au potassium (K) – abondant dans le sous-sol – et au phosphore (P) – le plus rare de ces trois fertilisants, puisque, présent dans des mines, ses stocks sont limités et sans doute condamnés à l’épuisement au cours des prochaines décennies. La consommation mondiale de phosphate atteint quelque 18 millions de tonnes par an et ce, avec des pertes importantes, car beaucoup de plantes ne sont pas très efficaces pour récupérer cette précieuse substance minérale. 

Outre ses qualités nutritives, en particulier sa richesse en protéines – 30 à 40 % de la graine entière – le lupin blanc (Lupinus albus L.) est justement cultivé pour sa sobriété : cette plante nécessite peu d’engrais. Et ce, grâce à ses racines dites « protéoïdes » qui lui permettent de solubiliser le phosphate du sol, puis de l’extraire efficacement. C’est la seule culture annuelle pourvue de ces racines en amas et connaissant un besoin réduit d’engrais phosphatés.

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Champ de lupin © Benjamin Péret/CNRS

C’est d’ailleurs un biologiste du développement, Benjamin Péret (CNRS), spécialisé dans la formation des organes, qui a coordonné l’équipe de chercheurs de onze laboratoires différents qui vient de procéder au séquençage du génome de cette légumineuse qui pourrait jouer un rôle essentiel dans l’approvisionnement mondial futur en protéines végétales. Ce séquençage, rendu public dès juillet dernier à la communauté scientifique, a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications le 24 janvier.

Quels en sont les enjeux ? Tout d’abord, comprendre les mécanismes moléculaires qui contrôlent le développement des fameuses racines « protéoïdes » permettrait de sélectionner les variétés de lupin les plus productives. De fait, l’équipe de Benjamin Péret a identifié ce mois-ci un gène en cause dans ce processus – une découverte postérieure au séquençage du génome : « Il nous reste maintenant à caractériser ce gène », précise le chercheur.

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Lupin © Benjamin Péret/CNRS

Cette meilleure compréhension permettrait également de « mieux appréhender pourquoi les autres plantes ne récupèrent pas le phosphate de manière aussi efficace, et peut-être d’améliorer cette récupération », ajoute Benjamin Péret, dans certaines variétés de céréales ou de légumineuses, par exemple en tirant un meilleur profit de la variabilité génétique naturelle.

Enfin, ce n’est pas un hasard si ce projet de recherche – dont le séquençage n’est qu’un aspect – a bénéficié d’un financement de l’Union européenne sur cinq ans. À terme, l’enjeu est aussi celui de l’autonomie de l’Europe en matière de protéines végétales : « Le lupin n’est pas exploité à sa juste valeur, regrette Benjamin Péret. On pourrait notamment développer la consommation humaine ; le séquençage dont nous disposons dorénavant permet notamment d’identifier les allergènes présents dans la plante ».

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Les racines en amas du lupin © Benjamin Péret/CNRS