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Le Sénat français le 17 novembre 2016 à Paris © AFP/Archives LIONEL BONAVENTURE

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » : le jour de la mort de Jacques Chirac, annoncé en pleine séance au Sénat, le Parlement a définitivement adopté jeudi le projet de loi Énergie et Climat qui prévoit d’atteindre la « neutralité carbone » en France à l’horizon 2050.

C’est le sénateur LR Jean-François Husson qui a prononcé ces célèbres mots de l’ex-chef de l’État pour lui rendre hommage, le jour de l’adoption d’un texte qui laisse un sentiment d’inachevé à gauche et chez les ONG, au lendemain d’un nouveau rapport alarmant sur le réchauffement.

Objet d’un accord entre députés et sénateurs fin juillet, le texte, qui décrète « l’urgence écologique et climatique », avait obtenu le 11 septembre le dernier aval de l’Assemblée nationale. Il a été approuvé jeudi par les sénateurs LR, centristes, Indépendants et LREM. PS et CRCE à majorité communiste ont voté contre, tandis que le RDSE à majorité radicale s’est partagé entre vote pour et abstention. Son adoption définitive intervient dans une semaine marquée par le discours accusateur de l’adolescente suédoise Greta Thunberg lundi au sommet de l’Onu à New York, et la publication mercredi 25 septembre d’un rapport du Giec sur les conséquences dévastatrices du réchauffement climatique pour les océans.

Présenté par la ministre Élisabeth Borne comme un « nouveau pilier » de la transition écologique, le projet de loi actualise les objectifs de la politique énergétique de la France, notamment en prévoyant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, une baisse de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, contre 30 % précédemment, et la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022. Il décale de 2025 à 2035 la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique.

Il pérennise aussi le Haut conseil pour le climat et prévoit un dispositif progressif de rénovation énergétique des logements « passoires thermiques », sujet qui a enflammé les débats dans les deux chambres.

Mais pour Greenpeace France, « cette loi aggrave le risque nucléaire et signe l’incapacité du gouvernement et de sa majorité à prendre les mesures immédiates nécessaires pour rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement climatique » par rapport aux niveaux préindustriels.

« Survie de l’humanité »

La commission des Affaires économiques du Sénat s’est pour sa part félicitée d’avoir « renforcé les objectifs de la loi en faveur des énergies renouvelables et notamment en matière d’éoliennes en mer, d’hydroélectricité, d’hydrogène et de biomasse ». Sur le sujet des logements énergivores, qui concernent quelque sept millions de ménages, le texte est revenu à la version de l’Assemblée.

La rénovation de ces logements ne parvient pas à décoller en France alors que le bâtiment représente 45 % des consommations d’énergie et 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Le programme du candidat Macron prévoyait qu’ils soient « interdit(s) de location à compter de 2025 ». Au lieu de privilégier des mesures coercitives d’emblée, gouvernement et majorité ont préféré un dispositif « progressif » en trois temps – « incitation, obligation et en dernier recours sanctions ».

« Nous avons un objectif : la fin des passoires thermiques en 2028 », a affirmé Mme Borne. Mardi le gouvernement a indiqué qu’à partir de 2020 les travaux de rénovation énergétique des logements pourront être soutenus par une prime d’État, et non plus un crédit d’impôt. Huit cents millions d’euros de crédits budgétaires sont prévus en 2020 pour ce nouveau dispositif, dont seront cependant exclus les 20 % de ménages les plus aisés.

« Le point faible du texte, c’est très clairement la rénovation thermique », avait affirmé le sénateur écologiste Ronan Dantec lors de la réunion de la commission mixte paritaire. « Je serai particulièrement exigeant pour que le gouvernement apporte des réponses à la hauteur lors de la loi de Finances », a mis en garde le rapporteur pour le Sénat Daniel Gremillet (LR). Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) a fustigé « un projet de loi à obsolescence programmée », face aux alertes climatiques qui se multiplient. « Ce qui se joue désormais au niveau de planétaire, c’est la survie de l’humanité », a appuyé le socialiste Roland Courteau, regrettant que l’urgence climatique doive « attendre d’hypothétiques financements ».