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boîte de nuit à Saint-Jean-de-Monts en France en juillet 2021 © AFP Sébastien Salom-Gomis

Les adeptes de musique électronique le savent : sitôt qu’un DJ allume les basses, la foule s’emballe et répond en accentuant ses pas de danse. Dans quelle mesure cet effet est-il conscient ? Des chercheurs se sont penchés de près sur la relation entre basses fréquences et danse, grâce à une expérience grandeur nature lors d’un concert.

Les résultats, publiés lundi dans la revue Current Biology, montrent que les participants dansaient près de 12 % de plus lorsque de très basses fréquences étaient imperceptiblement diffusées, en plus de la musique. Le public « n’était pas conscient de ces changements, mais ceux-ci guidaient pourtant ses mouvements », a résumé à l’AFP David Cameron, neuroscientifique et auteur principal de l’étude. Ces résultats confirment ainsi la « relation spéciale » entre basses et danse, observée jusqu’ici de façon anecdotique.

Lors de fêtes, « les gens ont tendance à monter les basses », a relevé le chercheur à l’université McMaster au Canada, lui-même batteur. Et à travers toutes les cultures, ce sont la plupart du temps « les instruments à basse fréquence, comme la guitare basse ou la batterie, qui donnent la pulsation de la musique ». « Mais ce qu’on ne savait pas, c’était : peut-on vraiment faire danser davantage avec des basses ? », a-t-il expliqué.

L’expérience, menée au Canada, a eu lieu au LIVElab, un bâtiment servant à la fois de salle de concert et de laboratoire de recherche. Une soixantaine de personnes — sur les quelque 130 venues assister au concert du duo de musique électronique Orphx — ont accepté de porter sur leur tête un bandeau équipé d’un capteur, enregistrant leurs mouvements en temps réel. Puis, durant le concert, les chercheurs ont allumé et éteint par intermittence des haut-parleurs spéciaux à très basse fréquence. Ils ont vérifié — à l’aide d’un questionnaire rempli par les participants après le concert et d’une expérience additionnelle — que ces fréquences étaient bien inaudibles. Une telle méthode a permis d’isoler l’effet des basses, sans qu’il soit perturbé par des facteurs autres, comme le fait de connaître ou non le morceau joué.

« J’ai été impressionné par l’effet », a déclaré David Cameron. Selon lui, deux hypothèses peuvent expliquer que les basses nous fassent tant danser. Elles pourraient d’une part stimuler le système tactile (la peau), mais aussi le système vestibulaire, plus communément appelé l’oreille interne. Or la connexion entre ces systèmes et le système moteur, à l’origine des mouvements, est très étroite. Surtout, elle est intuitive, car elle ne passe pas par le lobe frontal du cerveau. Cette stimulation pourrait donner « un peu d’élan au système moteur, et ajouter un peu d’énergie et de vigueur aux mouvements », a avancé le chercheur, qui souhaite vérifier cette hypothèse lors de futures expériences. 

Quant à la grande question de savoir pourquoi l’humain danse tout court, le mystère perdure. « J’ai toujours été intéressé par le rythme, et particulièrement par ce qui fait que le rythme nous donne envie de bouger », malgré l’absence de fonction apparente, relève David Cameron. Les différentes théories avancées impliquent souvent l’idée de cohésion sociale. « Lorsqu’on se synchronise avec les autres, on a ensuite tendance à ressentir une connexion avec eux », a souligné le chercheur. « Cela nous permet de nous sentir mieux en tant que groupe et donc de mieux fonctionner en tant que groupe : d’être davantage efficaces et de favoriser la paix ». N’en déplaise aux voisins mécontents : les basses pourraient donc finalement bien, elles aussi, contribuer à adoucir les mœurs.