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Dans un centre de collecte de sang de l’Etablissement français du sang, à Lille, le 28 décembre 2011 © AFP/Archives Philippe Huguen

Tout le monde connaît les groupes sanguins A, B, O positif ou négatif, mais il en existe beaucoup d’autres, dont certains très rares, ce qui pose des questions de compatibilité : une diversité liée à l’évolution de l’humain et ses migrations à travers les siècles. Une « semaine de sensibilisation aux sangs rares » a débuté lundi en France, première campagne sur ce sujet organisée par l’Etablissement français du sang (EFS), organisme public et l’unique opérateur pour la collecte du sang dans le pays.

La classification traditionnelle (ABO avec rhésus positif ou négatif) comprend huit groupes, qui correspondent à 98 % des besoins en transfusions : A+, A –, B+, B –, AB+, AB –, O+, O – . Mais cette classification ne suffit pas à refléter la diversité réelle des groupes sanguins. On en recense en fait 380, dont 250 considérés comme rares, répertoriés selon d’autres modes de classement.

On peut donc être porteur d’un sang rare même en étant rangé dans une des huit catégories classiques. Le découvrir nécessite des analyses approfondies portant sur des caractéristiques génétiques fines. Certains groupes sont extrêmement rares. C’est le cas de ceux appelés Bombay (une personne sur un million en Europe) ou Rhésus nul (une cinquantaine d’individus dans le monde). Les groupes rares « se définissent par deux éléments : leur fréquence, inférieure à 0,4 % dans la population générale, et le fait qu’il n’existe pas d’alternative pour la transfusion », explique à l’AFP le professeur Jacques Chiaroni, de l’EFS.

En France, où pour des raisons génétiques les groupes rares sont, selon l’EFS, surtout présents chez les personnes d’origine africaine, même lointaine (Afrique, mais aussi Antilles ou océan Indien), on estime de 700 000 à un million le nombre de porteurs d’un groupe rare. Or 10 % seulement le savent.

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Analyse de sang à Paanenefla, près de Sinfra, en Côte d’Ivoire, le 11 octobre 2019 © AFP Issouf Sanogo

En cas de transfusion, ces personnes doivent recevoir un sang le plus proche possible du leur. Car quel que soit notre groupe, un sang incompatible « rend a minima la transfusion inefficace, mais au pire peut tuer », rappelle le Pr Chiaroni. 

La spécificité d’un groupe sanguin pour une région géographique donnée est le fruit d’une adaptation de l’humain à son environnement, qui a façonné ses caractéristiques génétiques au fil des siècles. « La diversité génétique est plus importante en Afrique, où la population est plus ancienne puisque c’est là que l’Homme est apparu », souligne Jacques Chiaroni. La dissémination planétaire de ces groupes sanguins est liée aux migrations, et toutes les populations sont concernées. Le scientifique cite ainsi un groupe présent en Eurasie dont « la répartition colle avec l’expansion mongole au 13e siècle ». 

Un groupe rare dans un lieu donné ne l’est donc pas forcément ailleurs. « Je suis rhésus négatif, et en Chine je suis intransfusable », car cette caractéristique y est rare alors qu’elle concerne 15 % des Européens, note le Pr Chiaroni. Faute de stock, il peut être nécessaire d’importer du sang rare. C’est ce qui s’est passé récemment pour un enfant qui devait subir une greffe de moelle en France et pour lequel l’EFS a fait venir du sang des Etats-Unis.

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Dans un centre de collecte de sang de l’EFS, à Paris, le 6 juillet 2012 © AFP/Archives Marion Berard

On peut repérer un porteur de sang rare par hasard, lors d’un bilan avant transfusion ou d’une campagne de dépistage. Sa fratrie est alors approchée, car elle a des chances d’avoir le même groupe sanguin.

Les besoins sont particulièrement vifs pour la drépanocytose, maladie du sang qui touche surtout les gens d’origine africaine et nécessite des transfusions périodiques. Antillaise de 31 ans, Laëtitia Defoi en est atteinte et a un groupe sanguin rare, bien qu’elle soit classée B+. « Il y a deux ans, mon corps a rejeté du sang B+ qui ne correspondait pas exactement à mon groupe, raconte-t-elle à l’AFP. La drépanocytose cause des complications osseuses, avec des opérations et des transfusions supplémentaires. Si je marche, c’est en partie grâce aux transfusions », ajoute la jeune femme, dont l’association, Drepacare, accompagne les malades.

Enjeu de santé publique, la question des sangs rares est délicate. Elle peut prêter à des interprétations raciales, voire racistes, concluant à tort à l’incompatibilité du sang entre Noirs et Blancs. « C’est essentiel d’éviter la stigmatisation, insiste le Pr Chiaroni. Nous avons tous les jours des populations européennes transfusées avec du sang de donneurs d’origine africaine et inversement. »