Mick Jagger : une technique révolutionnaire pour un cœur de rocker
Publié le - par le blob avec l’AFP
Une « révolution » : utilisé pour parler de la musique des Rolling Stones à leurs débuts, le terme s’applique aussi à la technique d’intervention cardiaque dont a vraisemblablement bénéficié Mick Jagger, inventée en 2002 par un Français. « Je ne suis pas particulièrement un fan des Rolling Stones, mais ça fait plaisir, assure à l’AFP le professeur Alain Cribier. Ce qui est émouvant, c’est le bénéfice que les patients en retirent ».
Voix douce et expression policée, ce cardiologue n’a rien d’une rock star. Toutes proportions gardées, c’en est pourtant une dans son domaine. Le Pr Cribier est à l’origine d’un bouleversement majeur dans le traitement du rétrécissement aortique. Cette affection, fréquente chez les plus de 65 ans, touche l’une des quatre valves du cœur, la valve aortique. Avec le temps, il arrive que des calcifications se déposent sur ce petit clapet, gênant son ouverture et nécessitant son remplacement. Traditionnellement, on a recours à la chirurgie, avec une opération lourde : il faut ouvrir le thorax, arrêter le cœur et dériver la circulation sanguine.
Réalisée en général sous anesthésie locale, la technique inventée par le Pr Cribier est bien plus légère : après une simple incision au pli de l’aine, on introduit dans l’artère fémorale un cathéter au bout duquel est fixé un stent, sorte de cylindre grillagé. Il contient la valve artificielle et un petit ballon. On remonte le long de l’artère jusqu’au cœur puis, une fois le dispositif positionné, on gonfle le ballon : le stent s’ouvre et la nouvelle valve se déploie en écrasant l’ancienne. « Ça a révolutionné la prise en charge de ces patients », explique à l’AFP le docteur Stéphane Cade, cardiologue à Montpellier.
Désigné par ses acronymes anglais, TAVR ou TAVI, cet acte permet au malade de reprendre ses activités rapidement, en quelques jours seulement. Un délai inenvisageable en cas de chirurgie. Jagger, 75 ans, a été traité de cette façon dans un hôpital new-yorkais, selon le site spécialisé Billboard. Le chanteur n’a pas confirmé, tout en indiquant vendredi avoir été soigné et se sentir « beaucoup mieux ».
« Qui est ce dingue ? »
La première mondiale a été réalisée en 2002 à Rouen par le Pr Cribier, qui a ensuite formé des médecins dans le monde entier. La pratique de la TAVI a décollé en 2009-2010. Depuis, « 400 000 patients dans 65 pays » en ont bénéficié, selon son inventeur.
Initialement, cette technique était réservée aux patients inopérables, notamment à cause de leur âge avancé. Mais ces dernières années, d’autres malades moins âgés, dits « à risque intermédiaire », y ont eu accès, après qu’une étude de 2015 eut prouvé son utilité pour eux aussi. Et le nombre de patients visés pourrait bientôt exploser. Une nouvelle étude, publiée mi-mars dans le New England Journal of Medicine, montre que la TAVI peut avantageusement remplacer la chirurgie même sur des patients sans risque particulier.
L’idée lui est venue dans les années 1980. « À l’époque, on laissait mourir les plus de 75 ans, qu’on n’opérait pas », raconte-t-il. Après l’échec d’une première technique, trouver une solution devient pour lui « quasi-obsessionnel ». « Ça a fait l’effet d’une bombe. Personne ne pensait possible de remplacer une valve sans ouvrir la poitrine », se souvient-il.
Pourtant, les débuts ne se font pas sans heurts : « Les chirurgiens cardiaques étaient complètement contre, c’était sanglant, ils se disaient : “Qui est ce dingue qui veut nous prendre notre boulot ?” ». La TAVI est en effet pratiquée par des cardiologues interventionnels, et non des chirurgiens. Depuis, « ils ont été placés devant l’évidence » et, face à l’explosion attendue, « beaucoup vont s’y mettre », prédit Alain Cribier.
Une inconnue subsiste cependant : la durée de vie des valves spécifiques utilisées pour la TAVI, fabriquées à base de tissu bovin et régulièrement améliorées. « On manque un peu de recul, puisque cela se limite à quelques années », note le professeur Hervé Douard, cardiologue à Bordeaux.