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Ethereum, lancée en 2015, est devenue la deuxième « blockchain » la plus importante dans le monde des cryptomonnaies © AFP/Archives Justin Tallis

Ethereum, la deuxième « blockchain » la plus importante dans le monde des cryptomonnaies après celle utilisée pour les bitcoins, a réussi à se transformer pour réduire drastiquement son impact environnemental. Mais selon des spécialistes, ce changement pourrait être lourd de conséquences. Lancée en 2015, Ethereum héberge aujourd’hui des milliards de dollars de transactions, notamment grâce à la cryptomonnaie Ether. Elle sert également de support à de nombreux actifs comme les NFT, des certificats d’authenticité numérique infalsifiables. Après des mois de préparation, elle a accompli avec succès le 15 septembre l’une des plus importantes mises à jour logicielles de l’histoire du secteur. Baptisée « The Merge » (« la fusion », en anglais), cette opération périlleuse a consisté à changer l’un des piliers du fonctionnement d’Ethereum : son mode de validation des opérations. L’objectif ? Aller vers un système moins consommateur d’énergie.

Comme la blockchain fonctionne sans autorité centrale, il revient à certains des utilisateurs de valider les opérations qui prennent place sur ce vaste registre. Jusqu’à la mi-septembre, pour appartenir au cercle de « validateurs », il fallait résoudre un calcul très complexe demandant une grande puissance de calcul informatique. L’exercice, appelé « Proof of Work » en anglais (« Preuve de travail »), consomme une grande quantité d’électricité. Désormais, ses « validateurs » doivent placer une mise en Ether pour avoir le droit de valider. Une méthode appelée « Proof of Stake » (« Preuve d’enjeu » en français) qui permet de se débarrasser des lourdes infrastructures pour n’avoir plus besoin que de logiciels.

Près d’un mois plus tard, cette mue a bien eu pour effet d’effacer plus de 99 % de la consommation d’électricité de la blockchain, qui équivalait jusque-là peu ou prou à la consommation d’un pays comme la Nouvelle-Zélande, selon Alex de Vries, économiste à l’Université libre d’Amsterdam. Sa transition très attendue a en revanche provoqué un véritable séisme pour les « mineurs » (les « validateurs »), ces individus avaient investi dans du matériel informatique très performant. Ce secteur pouvait engranger quelque 22 millions de dollars par jour rien qu’avec Ethereum, selon Alex de Vries. Or, la nouvelle méthode de validation des transactions les a rendus obsolètes.

Autre conséquence indésirable de l’opération « The Merge », la plus forte centralisation d’Ethereum. À présent, ceux qui peuvent gager la plus grosse somme ont plus de possibilités de valider. Ce système favorise les plus gros acteurs. Trois entreprises représentent actuellement plus de la moitié des « validateurs », selon une étude du cabinet Dune Analytics. Un comble pour les cryptomonnaies, créées à l’origine comme une alternative décentralisée aux banques et gouvernements après la crise de 2008. Le scénario catastrophe pour Ethereum serait alors que suffisamment d’utilisateurs mécontents lui préfèrent des alternatives utilisant encore la « preuve de travail », notamment la principale baptisée Ethereum Classic. Selon Alex de Vries, les mineurs pourraient potentiellement réaliser d’importants profits si le marché venait à tourner dans leur sens. Une ruée de la blockchain la plus écologique vers la plus énergivore serait alors « tout à fait envisageable », a-t-il ajouté.