Image légendée
L’EPR d’Olkiluoto 3 en octobre 2016 à Eurajoki, en Finlande © Lehtikuva/AFP/Archives Martti Kainulainen

Après seize ans de chantier et douze ans de retard sur la date de mise en service prévue initialement, le réacteur nucléaire EPR construit par le Français Areva, en Finlande, a démarré cette nuit pour la première fois, a annoncé mardi l’exploitant de la centrale. Après la première réaction en chaîne à 3h22 locales (1h22 GMT) à l’intérieur du réacteur, la production d’électricité doit commencer à environ 30 % de la puissance lors du raccordement au réseau en janvier, avant une mise en service normale en juin, indique l’énergéticien finlandais TVO dans un communiqué.

« Le moment du démarrage a été historique. La dernière fois qu’un réacteur a été lancé en Finlande remonte à il y a plus de 40 ans, et même en Europe cet évènement remonte à environ 15 ans », souligne l’exploitant de la centrale d’Olkiluoto, en référence au lancement d’un réacteur en Roumanie en 2007.

Au terme de ce chantier lancé en 2005 dans le sud-ouest de la Finlande, devenu pour Areva un chemin de croix miné par les retards et les dérives financières, l’EPR d’Olkiluoto va devenir le plus puissant réacteur en opération en Europe. Avec une capacité de production de 1650 mégawatts, il doit fournir environ 15 % de la consommation du pays nordique. « Ce moment restera pour toujours comme la démonstration de la persistance de notre travail pour mettre en service notre nouveau réacteur, a déclaré Marjo Mustonen, vice-président de TVO, saluant la plus grande contribution de la Finlande pour le climat ».

Image légendée
Carte du monde localisant les EPR en service ou en construction © AFP Vincent Lefai

Après le chargement du combustible dans le réacteur en mars, le gendarme finlandais du nucléaire avait autorisé le démarrage du réacteur la semaine dernière. Conçu pour relancer l’énergie nucléaire après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, notamment grâce à une considérable structure de béton et des améliorations de sûreté, l’EPR a rencontré d’importants problèmes de construction, notamment en Finlande mais aussi à Flamanville en France.

À Olkiluoto, ces difficultés ont entraîné de longues et vives tensions entre TVO, Areva et l’autorité finlandaise du nucléaire, la Stuk. TVO avait signé en mars 2019 un accord pour mettre fin au contentieux, prévoyant qu’une indemnisation de 450 millions d’euros lui soit versée. La Covid-19 avait à son tour provoqué de nouveaux retards sur le chantier finlandais, sur un site où deux anciens réacteurs sont déjà en opération. 

Seuls deux réacteurs EPR étaient jusqu’à présent entrés en fonctionnement dans le monde, ceux de la centrale de Taishan en Chine. Leur construction avait débuté après celle d’Olkiluoto-3, premier réacteur nucléaire à avoir été commandé dans l’Union européenne depuis Tchernobyl. Le réacteur numéro 1 de cette centrale située près de Hong-Kong est toutefois à l’arrêt depuis juillet après un incident, qualifié de « courant » par Pékin.

Lancée en 1992, la technologie EPR a été codéveloppée par le Français Areva et l’Allemand Siemens au sein de leur filiale commune, dont Siemens s’est depuis retiré. Conçu pour fonctionner pendant 60 ans, « l’European Pressurized Water Reactor » se fonde sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la plus utilisée dans le monde.

Image légendée
Le chantier de la centrale nucléaire d’Olkiluoto, le 15 juin 2010 © AFP/Archives Anne Hautefeuille

Les déboires et dérapages financiers du chantier finlandais, synonymes de milliards d’euros de pertes, ont provoqué la réorganisation complète d’Areva, dont les activités principales ont donné naissance à Orano et Framatome (filiale d’EDF). Seule reste Areva SA, une structure dont le but essentiel est d’achever Olkiluoto-3. « Cette étape ouvre la voie à la production d’une électricité sûre, fiable et bas carbone pour les habitants de Finlande », a salué le directeur général de Framatome Bernard Fontana dans un communiqué.

Si les problèmes de l’EPR puis la catastrophe de Fukushima au Japon, en 2011, ont freiné les espoirs d’une « renaissance », l’énergie nucléaire voit ses perspectives s’améliorer de nouveau face à la crise climatique.

Utilisant l’uranium, l’électricité nucléaire n’émet pas de CO2 lors de sa production et constitue globalement une énergie très peu carbonée. Signe d’une conjoncture plus favorable, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a relevé cette année ses projections pour la première fois depuis Fukushima, prévoyant désormais un doublement de la puissance nucléaire installée d’ici à 2050 dans le scénario le plus favorable.