À Baltimore, bientôt, le pilotage 24 h/24 du James Webb Spatial Telescope
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
« Trente jours de tension et d’adrénaline », c’est ainsi que Rusty Whitman décrit le mois qui les attendent, lui et la centaine d’ingénieurs en charge du bon déploiement dans l’espace du télescope spatial James Webb (JWST), le plus puissant jamais lancé en orbite.
Au Space Telescope Science Institute, à Baltimore, sur la côte est, c’est le calme avant la tempête du décollage, prévu en fin de semaine – actuellement le 25 décembre. Pendant six mois, ses employés, sous-traitants de la Nasa, se relaieront 24 h/24, jusqu’à ce que l’observatoire spatial soit fin prêt à explorer les confins de l’Univers pour le compte d’astronomes du monde entier.
Mais la période la plus cruciale sera le tout début de la mission : le télescope devra être placé sur la bonne trajectoire, et son miroir, ainsi que son indispensable pare-soleil, dépliés en plein vol. Une opération ultra-périlleuse. « À la fin des 30 jours, je pourrai pousser un soupir de soulagement », confie à l’AFP Rusty Whitman, qui a eu pour tâche de mettre sur pied la salle de contrôle des opérations, où s’alignent des dizaines d’écrans. Ils permettront de suivre en temps réel les données transmises par le JWST.
Au premier rang, une unique personne sera en charge de l’envoi des commandes de vol au télescope, bijou d’ingénierie de 10 milliards de dollars. Un peu plus loin, chaque ingénieur sera en charge de surveiller un sous-système en particulier. Le processus est largement automatisé, mais les ingénieurs seront alertés en cas de données inattendues et devront interpréter les informations reçues. Une dizaine de répétitions générales a déjà eu lieu, avec des experts venus de Californie et d’Europe. Une équipe était alors chargée d’introduire des erreurs. Le défi : trouver une solution dans les délais.
Lors de l’un des tests, le courant s’est carrément coupé dans la salle de contrôle. « Ça, ça n’était pas prévu ! se rappelle Rusty Whitman. Mais les gens ont cru que ça faisait partie de l’exercice ! » Heureusement, un générateur s’est mis en route. « Je suis surtout nerveux de la possibilité qu’on ait oublié quelque chose », confie-t-il, citant l’exemple de travaux non loin du bâtiment, ayant menacé un câble de communication avec le télescope, quelques semaines seulement avant le lancement.
L’Institut, installé sur le campus arboré de l’université Johns Hopkins, est également chargé de la partie purement scientifique du programme. C’est-à-dire de s’assurer que le temps d’observation sera utilisé au mieux. Le télescope fonctionnera quasiment 24 h/24, soit 8760 heures à remplir par an, avec cinq ans d’activité minimum. Trous noirs, exoplanètes, lointaines galaxies, jeunes étoiles… Fin 2020, quelque 1200 propositions d’observations avaient déjà été soumises par des scientifiques du monde entier.
Ces propositions ont été passées en revue par plusieurs centaines de spécialistes indépendants qui se sont réunis (virtuellement) durant deux semaines, au printemps dernier, pour en débattre. Elles étaient anonymisées. L’Institut avait déjà instauré cette règle pour un autre télescope spatial, Hubble, dont il gère également le programme scientifique.
Résultat : une augmentation drastique du nombre de projets choisis venant de femmes ou de premiers candidats. Or ces derniers, n’ayant parfois même pas encore fini leur doctorat, « sont exactement le genre de personnes dont nous voulons qu’elles utilisent l’observatoire, car elles ont de nouvelles idées », a expliqué à l’AFP Klaus Pontoppidan, responsable scientifique pour James Webb.
In fine, pour la première année du télescope, près de 400 observations ont été sélectionnées et rendues publiques, représentant des milliers de chercheurs. Certaines ne dureront que quelques heures, et la plus longue, environ 200.
Quelles seront les premières images dévoilées par James Webb ? « Je ne peux pas le dire, c’est une surprise », sourit l’astronome.
Elles devront permettre aux scientifiques de se rendre compte rapidement des capacités des instruments à bord, uniques et ultra-puissants. Ils pourront ainsi aussitôt s’entraîner à l’interprétation des données collectées, à l’aide des logiciels conçus spécialement pour. Des ateliers leur sont proposés pour les aider. « Nous voulons qu’ils puissent rapidement faire de la science avec. Et ensuite revenir et dire :"nous devons faire davantage d’observations" » de cette partie du ciel, à partir des informations récoltées, souligne M. Pontoppidan, qui travaille sur ce projet depuis onze ans.
Il se dit surtout enthousiaste de découvrir « ce qu’on ne peut pas prédire encore ». Un temps d’observation a été laissé libre pour réaliser des observations en urgence, notamment celles qu’il n’était pas encore possible d’imaginer. Lorsque Hubble avait été lancé, en 1990, aucune exoplanète n’était encore connue. On en a depuis découvert plusieurs milliers… Qui sait ce que James Webb révélera !