Personnes âgées « à risque » face au SARS-CoV-2, mais dans quelle mesure ?
Publié le - par le blob avec l’AFP
« Les personnes âgées sont plus fragiles face au Covid-19 » : ce message, martelé depuis le début de l’épidémie, est une réalité statistique, mais il doit toutefois être nuancé et les implications pratiques pour les « seniors » doivent être soigneusement réfléchies.
À partir de quel âge est-on « à risque » face à cette maladie ? L’âge peut-il être un critère pour rester ou non confiné ? Le point sur la situation de cette partie de la population particulièrement touchée.
Un risque qui augmente avec l’âge…
« Le risque de forme grave de la maladie augmente progressivement avec l’âge et ce, à partir d’environ 40 ans », souligne l’OMS, qui fait démarrer à « plus de 60 ans » la catégorie des personnes à risque (aux côtés de celles souffrant de maladies chroniques). Mais dans certains pays, comme au Royaume-Uni, le seuil de 70 ans a été retenu pour définir les personnes à qui il est conseillé de respecter un confinement strict.
Les données publiées depuis l’apparition de l’épidémie montrent pourtant un sur-risque significatif dès 60 ans. Ainsi, une étude parue le 31 mars dans la revue The Lancet estime le taux de mortalité à 4 % chez les patients chinois âgés de 60 à 69 ans, contre 1,4 % pour l’ensemble des malades.
Ce taux reste toutefois nettement inférieur à celui des septuagénaires (8,6 %) et des personnes de 80 ans ou plus (13,4 %). De même, la proportion des malades nécessitant une hospitalisation grimpe fortement avec l’âge : 4,3 % pour les 40-49 ans, 11,8 % pour les 60-69 ans et 18,4 % pour les octogénaires, soit environ un sur cinq.
On retrouve des données comparables dans les autres pays touchés. En France, plus de deux décès à l’hôpital sur trois (71 %) et la moitié des hospitalisations (51 %) concernent des personnes d’au moins 75 ans, selon Santé publique France. Et plus du tiers des décès recensés étaient pensionnaires d’établissements pour personnes âgées dépendantes.
Une population hétérogène
Toutefois, « l’âge ne peut pas se résumer au seul nombre des années », souligne l’Académie nationale de médecine, pour qui ces « données statistiques incontestables » sont avant tout un « reflet » de l’état de dépendance et des problèmes de santé, plus fréquents quand l’âge avance.
Les médecins préfèrent parler d’âge physiologique : quoi de commun entre Robert Marchand, connu pour continuer à faire du cyclisme à plus de cent ans, et une personne du même âge en Ehpad, où les résidents ont en moyenne huit problèmes de santé cumulés ?
Les inconnues autour du Covid rendent aussi difficile l’identification des personnes à risque. « Il est très difficile d’anticiper actuellement les patients qui vont développer des formes graves nécessitant une hospitalisation, et ceux qui en hospitalisation vont se dégrader », observait l’infectiologue Florence Ader dimanche dernier.
« On sait faire une évaluation standardisée de la fragilité d’un patient âgé », à partir des comorbidités (maladie cardiaque ou pulmonaire, diabète, obésité…), mais aussi de son état psychologique, nutritionnel, cognitif, explique à l’AFP Olivier Guérin, président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG). « Mais à l’heure actuelle, on n’a pas suffisamment de données pour dire, dans ce syndrome de fragilité, quels éléments pèsent le plus dans l’altération de la réponse face au virus ».
Que faire après le 11 mai ?
Pour toutes ces raisons, l’hypothèse d’un confinement prolongé pour les plus âgés, évoquée un temps, a fait réagir. L’Académie de médecine voit une forme de discrimination dans cette idée d’un éventuel déconfinement par tranches d’âges. Le gouvernement a finalement opté pour une « recommandation » aux « publics vulnérables » de rester confinés, « selon un principe de responsabilité » individuelle.
Une bonne décision, selon le Pr Guérin, car « le citoyen concerné est le seul apte à juger de la prise de risque » acceptable, étant établi que les personnes âgées ne transmettent pas plus le virus. Mais il n’est pas toujours évident de savoir si l’on doit se considérer comme fragile face au Covid, reconnaît Jean-Pierre Michel, professeur de gériatrie à Genève. Cela concerne les maladies « suffisamment graves pour atteindre mon système immunitaire ou ma fonctionnalité », indique le membre de l’Académie de médecine. En cas de doute, le Pr Guérin invite à demander l’avis « avant tout du médecin traitant, qui connaît le mieux ses patients ».
Les risques du confinement
L’isolement, décidé pour minimiser le danger lié au coronavirus, entraîne lui-même des risques particuliers pour les personnes âgées. « La grande difficulté, c’est qu’on n’a pas la capacité scientifique de déterminer la balance bénéfice/risque du confinement. Mais on se rend de plus en plus compte qu’elle n’est pas si favorable », alerte le Pr Guérin.
Chez les personnes déjà très vulnérables, notamment en Ehpad, plusieurs médecins ont alerté contre le « syndrome de glissement », un état de détresse psychologique amplifié par l’isolement pouvant être fatal. Pour les autres, l’enjeu est de préserver leur autonomie, car la perte de muscles engendrée par la baisse d’activité physique ou une mauvaise alimentation peuvent les faire entrer dans une zone de fragilité.
L’aspect psychologique et la préservation des liens familiaux et sociaux influent aussi sur la prévention du déclin cognitif et la motivation des personnes âgées à appliquer les conseils d’activité ou d’alimentation. « La prévention du Covid-19 doit s’inscrire au sein de la prévention du vieillissement dans son ensemble », plaide Matthieu Piccoli, président de l’Association des jeunes gériatres (AJG).
Par ailleurs, le moindre recours aux soins, entre peur de contracter le virus chez le médecin et téléconsultation pas toujours adaptée pour cette population, entraîne l’arrivée aux urgences de « gens âgés avec des maladies chroniques plus sévèrement décompensées que d’habitude », comme des insuffisances cardiaques, souligne le Pr Guérin. « C’est un argument majeur pour dire qu’il faut déconfiner aussi cette population là en partie. Sinon, ils vont mourir quand même, mais d’autre chose », s’alarme le gériatre au CHU de Nice.