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Un agriculteur répand des pesticides sur son champ, le 3 avril 2015 à Villefranche-de-Lauragais, en Haute-Garonne © AFP/Archives REMY GABALDA

Après une longue polémique sur le glyphosate, l’échec des deux plans de réduction successifs des pesticides et une lente prise de conscience du monde agricole, le gouvernement français tente pour la troisième fois de désintoxiquer l’agriculture des excès de la chimie. L’équation est complexe : comment réduire le volume des produits chimiques, dangereux pour les nappes phréatiques, l’environnement et la santé, sans torpiller les secteurs de l’agriculture et de la production alimentaire, fleurons déjà fragilisés par une décapante concurrence des marchés agricoles mondialisés.

Depuis le Grenelle de l’environnement fin 2007, les effets des deux plans successifs destinés à réduire les pesticides de synthèse, baptisés Ecophyto 1 et 2, restent encore peu tangibles. Mercredi, en ouverture d’un comité réunissant quatre ministères (Agriculture, environnement, santé, recherche) des ONG et des professionnels, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a rappelé que la France, première puissance agricole européenne avec 28,7 millions d’hectares de surface agricole utile (SAU) est toujours le premier utilisateur de produits phytosanitaires en Europe. Mais le pays est aussi le « neuvième en quantité à l’hectare », a relevé dans un tweet, Christophe Grison, agriculteur dans l’Oise, président de la coopérative Valfrance. – Voies alternatives – Le comité de mercredi a donné lieu à peu de mesures spectaculaires. Mais au contraire à un fin travail de réglage pour diffuser au plus près des agriculteurs, dans les fermes, de bonnes pratiques pour développer l’agro-écologie.

Le préfet Pierre-Etienne Bisch, qui était depuis fin 2018 délégué interministériel au plan de sortie du glyphosate et de réduction des pesticides, va coordonner au sein d’une « task force » tous les acteurs publics et privés engagés dans le processus. Après cinq postes de préfet (Savoie, Ain, Var, Alsace et Centre), et la direction de Météo-France, le préfet Bisch est chargé de mettre en œuvre la « volonté ferme » du gouvernement « d’atteindre les objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de moitié d’ici à 2025 et de sortie du glyphosate pour une majorité des usages d’ici 2020 », précise un communiqué gouvernemental. Au passage, l’État a réduit ses ambitions. Initialement, Ecophyto prévoyait de réduire de 25 % l’ensemble des pesticides dès 2020. Le nouveau plan s’appelle Ecophyto 2+ et mobilisera les préfets de région pour son déploiement. Les « interprofessions végétales », qui rassemblent producteurs et transformateurs de céréales, légumineuses, oléagineux, vigne, légumes et fruits, seront réunies fin avril. Les moyens alloués à la recherche vont être parallèlement renforcés, avec une dotation de 30 millions d’euros. Les chercheurs seront chargés d’identifier « des voies alternatives » aux phytosanitaires en « mobilisant les leviers » de « l’agroécologie, du biocontrôle, de la génétique et de la prophylaxie » (moyens médicaux contre les maladies) pour permettre de « cultiver et protéger autrement », en réduisant « autant que possible le recours aux produits conventionnels ». L’appel à projets sera lancé en juin.

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Le glyphosate © AFP Alain BOMMENEL, Laurence SAUBADU, Kun TIAN

Glyphosate, quelles pratiques?

Sur le glyphosate, une enquête « flash » sera lancée d’ici à l’été parmi les agriculteurs pour « mieux connaître les pratiques de désherbage et mesurer l’évolution des pratiques ». l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) conduiront une « évaluation comparative des produits à base de glyphosate ». En 2018, « 14 substances n’ont pas été renouvelées au niveau européen » et l’Anses participera dans le cadre d’un consortium de quatre Etats membres au « processus de réévaluation de la substance glyphosate dont l’échéance d’approbation est fixée à fin 2022 ».

Le gouvernement confirme aussi s’attaquer aux pesticides naturels utilisés par les agriculteurs bio. Une feuille de route doit être finalisée pour « développer des alternatives à l’usage du +cuivre+ en viticulture ». Le cuivre est l’un des principaux pesticide naturel utilisé aussi bien en bio qu’en conventionnel pour réduire la pourriture des grappes et s’attaquer au mildiou. Sa surabondance pourrait mettre en danger des nappes phréatiques. Une « stratégie nationale » de déploiement du biocontrôle doit faire l’objet d’une « consultation » d’ici juin, c’est-à-dire l’encouragement des mécanismes naturels pour préserver les cultures des maladies, en recourant à des insectes auxiliaires, bactéries ou champignons prédateurs de ravageurs. Les modalités d’épandage devraient être discutées au sein de deux groupes de travail d’ici l’été pour « protéger les agriculteurs, riverains et pollinisateurs ». Enfin, une base de données d’achat et de vente de produits phytosanitaires devrait être rendue publique au 1er juillet à l’échelle de la commune, garantissant l’anonymat des acheteurs.