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La base franco-italienne Concordia, dans l’Antarctique, où des carottes de glace ont été extraites dans le cadre du projet Epica, le 27 janvier 2007 © AFP Archives Guy Clavel

« Ce bout de glace a 500 000 ans » : en région parisienne, des chercheurs décryptent les climats du passé dans la glace, les arbres ou les sédiments pour mieux comprendre le climat actuel et prévoir les changements liés au réchauffement climatique.

À Saclay, le bâtiment ICE regroupe 300 personnes du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE, CEA/CNRS/UVSQ). Des équipes de pointe, reconnues au niveau international, travaillent sur les climats passés, leur impact sur les écosystèmes et la modélisation des climats.

« Ce qui nous intéresse, c’est de comprendre comment le climat fonctionne », explique Didier Roche, directeur adjoint du LSCE et chercheur au CNRS. Comme il n’existe des mesures directes que depuis environ 70 ans, « nous sommes obligés d’aller dans le passé », poursuit-il.

Les chercheurs se basent sur des carottages de glace, de sédiments marins ou lacustres, d’arbres... Dans le cadre d'un projet européen, Epica (European Project for Ice Coring in Antarctica), une carotte de glace de 3 270 mètres a été extraite de la calotte qui recouvre le continent antarctique, permettant d'établir la teneur de l'atmosphère en dioxyde de carbone et en méthane sur 800 000 ans.

La glace offre « plusieurs traceurs dans une même archive », indique la paléoclimatologue Anaïs Orsi, en présentant des petits glaçons vieux de plusieurs centaines, voire milliers d'années, remplis de petites bulles d'air. « On peut reconstituer la composition de l'atmosphère », mais aussi grâce aux poussières « s’il y avait beaucoup de feux de forêt en Patagonie » ou « de l’aridité en Australie », détaille la chercheuse au CEA (Commissariat à l'énergie atomique).

Les arbres sont aussi de bons enregistreurs des variations climatiques. « Ils peuvent nous renseigner sur la température, l'ensoleillement, l'humidité », expose Valérie Daux, professeure à l'université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

Un autre axe de recherche est de voir « à quelle vitesse un écosystème peut s'adapter à un changement climatique » en s'aidant du carbone 14, raconte Christine Hatté, chercheuse au CEA.

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Une cave à cristaux à la base franco-italienne de Concordia, le 27 janvier 2007 en Antarctique © AFP Archives Guy Clave

L’époque des dinosaures

Parallèlement, des scientifiques modélisent les climats du passé, c’est-à-dire qu’ils tentent de les reproduire à partir d’un logiciel très complexe, à partir de certains éléments (atmosphère, océans, hydrologie, végétation...). Ils comparent ensuite leurs modèles aux données récoltées par leurs collègues via les échantillons.

« Nous pouvons regarder si chaque modèle est bon par rapport aux données », explique Masa Kageyama, directrice de recherche au CNRS, responsable de la modélisation au LSCE. Ceci permet « de sélectionner les modèles pour le futur ».

Avoir des modèles les plus fiables possibles est essentiel face au changement climatique. Les scientifiques français du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de Météo-France participent aux travaux servant de base au Giec, les experts climat de l’Onu.

Si les émissions se poursuivent au rythme actuel, la planète pourrait se réchauffer de 3,4 à 3,9 °C d’ici la fin du siècle, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Et même si les Etats signataires de l’accord de Paris respectent leurs engagements, le mercure montera de 3,2 °C.

Une hausse de 6 à 8 °C par rapport à la période pré-industrielle correspondrait à « des climats comparables à l’époque des dinosaures (disparus il y a 66 millions d’années) avec des températures très chaudes » mais la comparaison est difficile et ces climats sont moins bien connus car « les continents étaient différents et pas à la même place », explique Didier Roche.  

Les paléoclimatologues connaissent en revanche mieux les climats qui sévissaient il y a 21 000 ans, quand la température moyenne mondiale était de 3 à 4 degrés plus froide. A cette époque, « il y avait un kilomètre d’épaisseur de glace à New York, trois kilomètres en Norvège, le niveau de la mer était 120 mètres plus bas », décrit le chercheur.

« Nous avons perturbé le climat très fortement et sur un temps très court. Plus on continue, plus ça change », avertit-il.