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© AFP/Archives Paul ELLIS

Le géant pétrolier Shell table désormais sur une production de pétrole « stable » jusqu’en 2030, ce qui suscite la consternation parmi les écologistes, alors qu’il avait dévoilé en 2021 des objectifs de réduction de 1 à 2 % par an. 

Le groupe dope parallèlement les distributions aux actionnaires après une année 2022 de profits record dans la foulée de la guerre en Ukraine.

Dans un communiqué publié mercredi, Shell annonce qu’il va « stabiliser sa production de liquides jusqu’en 2030 ».

Le groupe soutient avoir déjà atteint ses objectifs de réduction de production sur la période.

Un porte-parole de Shell souligne que les objectifs de baisse de production d’or noir affichés en 2021, et basés sur la production de 2019, ont été atteints dès 2022 grâce à des cessions comme la vente de gisements de pétrole de schiste aux États-Unis.

« Nous investissons pour apporter la sécurité énergétique dont les clients ont besoin », justifie le directeur général Wael Sawan, cité dans le communiqué.

La guerre en Ukraine a ramené la sureté de l’approvisionnement en énergie sur le devant de la scène comparé à l’urgence climatique pour de nombreux gouvernements et compagnies du secteur.

Lors d’une présentation au début de la journée d’investisseurs, M. Sawan a ajouté que « le rythme de la transition des carburants fossiles vers les énergies à bas carbone dépendait de beaucoup de choses, dont les politiques gouvernementales, le coût de développement des énergies et la demande des consommateurs ».

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a d’ailleurs esquissé pour la première fois un pic de la demande globale de pétrole « avant la fin de la décennie » grâce à l’essor de la voiture électrique.

La directrice financière de Shell, Sinead Gorman, a fait valoir que les investissements dans le gaz seraient privilégiés, notamment en raison de la plus faible intensité carbone de cette énergie comparé au pétrole ou charbon, et parce qu’il était facile à transporter.

Shell a par ailleurs révélé mercredi une série de cadeaux aux actionnaires, avec une hausse de 15 % du dividende par action effective au 2e trimestre 2023, et des rachats d’actions d’au moins 5 milliards de dollars au deuxième semestre de cette année.

L’ONG Global Witness fustige ce « virage à 180 degrés » amorcé « sur le dos de la crise énergétique au lieu d’accélérer les investissements verts ».

« Comme d’autres géants des carburants fossiles qui ont également revu à la baisse leurs ambitions, Shell admet maintenant qu’il n’a pas le projet de changer son modèle d’entreprise, incompatible avec les efforts » contre « l’effondrement climatique », commente pour sa part l’ONG Les amis de la Terre.

L’autre « major » britannique, BP, a aussi annoncé en février, en marge de résultats record, qu’elle comptait doper ses bénéfices d’ici 2030 en investissant davantage à la fois dans les énergies renouvelables, mais aussi dans les hydrocarbures, ralentissant le rythme de sa transition énergétique.

Simon Evans, du site Carbon Brief, estime pour sa part qu’il est « très clair que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré » comme prévu dans le cadre des accords de Paris.

Il relève par ailleurs que les compagnies pétrolières européennes restent « en avance sur les autres » et notamment leurs rivales américaines, en matière d’investissements dans les énergies vertes.

L’action prenait 1,44 % à 2 329 pence à la Bourse vers 13h40 GMT.  

La banque Berenberg estime que la stratégie dévoilée mercredi est « positive », notamment la réduction des coûts envisagée et celle des investissements, prévus entre 22 et 25 milliards de dollars par an en 2024 et 2025, dont 10 à 15 milliards de 2023 à 2025 dans les énergies à bas carbone.

Derren Nathan, analyste de Hargreaves Lansdown, juge cependant que l’« accent à long terme sur les versements aux actionnaires va restreindre le montant de capital disponible pour investir dans les nouvelles technologies » vertes.

Le titre de Shell avait dévissé pendant la pandémie quand l’activité économique était quasi paralysée par les confinements, et se rapproche désormais de ses sommets de 2018.

Sinead Gorman a toutefois insisté : « nous trouvons toujours notre action sous-évaluée ».