Image légendée
Ce lapin imprimé en 3D contient des instructions ADN © ETH Zurich / Julian Koch

Ne vous fiez pas aux apparences : ceci n’est pas un simple lapin imprimé en 3D ! Au cœur de ses molécules de polyester se cache en effet une séquence ADN qui code le plan de sa propre fabrication.

L’utilité d’un tel dispositif ? Répondre aux besoins mondiaux en stockage de données : ils sont en pleine explosion, notamment du fait de l’essor de l’internet des objets. Cette demande croissante a poussé entrepreneurs et chercheurs à envisager des solutions alternatives aux supports d’information classiques comme les disques durs. L’une des voies les plus prometteuses est directement inspirée de l’observation de la nature : l’utilisation de l’ADN.

Cette molécule permet en effet de stocker une importante densité d’informations tout en présentant une longévité exceptionnelle. On estime ainsi qu’un gramme d’ADN permet de stocker 215 000 To de données, et qu’elles pourraient être conservées plusieurs millions d’années.

L’ADN des objets

Les équipes de Robert Grass, de l’École polytechnique de Zurich (ETH) s’intéressent à cette solution. En collaboration avec Yaniv Elrich de l’Erlich Lab LLC (Israël), les scientifiques proposent dans Nature biotechnologyune méthode pour stocker des informations détaillées dans presque tous les objets du quotidien. Un concept qu’ils proposent de baptiser l’ADN des objets.


Présentation du concept de l'ADN des choses par l'ETH Zürich

Pour démontrer la faisabilité de leur méthode, les chercheurs ont utilisé le « lapin de Stanford », un modèle de tests d’infographie 3D standard. Les quelques 100 ko de son plan de fabrication sont codés en une succession de bases A, C, T, G. Les molécules d’ADN ainsi obtenues sont encapsulées dans des billes de silice nanométriques, incorporées ensuite dans un polyester thermoplastique. Les scientifiques ont utilisé ce plastique pour imprimer le lapin en 3 D.

Les auteurs ont ensuite découpé un minuscule morceau de l’objet pour en extraire l’ADN. Après décodage de la séquence, ils ont pu utiliser l’information stockée pour reproduire le modèle à l’identique. Ce protocole a été répété pour obtenir cinq générations de lapins sans aucune perte d’information, même après plusieurs mois d’intervalle entre deux essais.

L’art de dissimuler

Une telle stratégie peut aussi être employée pour coder une plus grande quantité d’informations, comme l’ont montré les chercheurs en menant à bien une seconde expérience : encoder une vidéo dans du plexiglas utilisé pour fabriquer des lunettes de lecture ordinaires. Le film a ensuite pu être décodé avec succès. 

Les scientifiques imaginent déjà stocker des dossiers de santé électroniques dans des implants médicaux, ou bien inscrire les résultats de tests de contrôle qualité directement dans des médicaments ou des matériaux de construction. Cette méthode marque aussi une nouvelle étape dans la perspective du développement de machines autoréplicatives.

Reste un obstacle de poids, celui du coût. Traduire un fichier d’impression 3D comme celui stocké dans l’ADN du lapin en plastique coûte encore près de 2000 euros.