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Un arbre tombé sur une maison à cause d’une violente tempête hivernale à Buffalo, aux États-Unis, le 28 décembre 2022 © AFP Joed Viera

La planète se réchauffe, hivers compris. Pourtant, les États-Unis ont expérimenté ces dernières années de violentes tempêtes hivernales, qui ont amené les experts à se pencher de plus près sur le lien entre ces épisodes de froid extrême et le changement climatique. Même si un tel rapprochement semble complètement contre-intuitif, certaines connexions ont clairement pu être identifiées. D’autres, en revanche, sont encore très discutées par la communauté scientifique. 

Car si le lien entre réchauffement climatique et vagues de chaleur est très direct, le comportement de tempêtes hivernales est lui gouverné par de complexes dynamiques atmosphériques, plus difficiles à étudier. Malgré tout, « il y a certains aspects des tempêtes hivernales (…) où le lien avec le changement climatique est assez solide », explique Michael Mann, climatologue à l’université de Pennsylvanie.

Le réchauffement des masses d’eau, comme les lacs ou les océans, influence par exemple la quantité de neige qui tombe. Aux États-Unis, un mécanisme appelé « effet de lac » survient notamment autour de la région des Grands Lacs, à la frontière canadienne. C’est d’ailleurs dans cette zone que se situe la ville de Buffalo, particulièrement touchée par la tempête ayant frappé les États-Unis cette année, en plein week-end de Noël. 

La collision entre de l’air froid venu du nord avec l’eau plus chaude de ces lacs provoque une convection qui débouche sur des chutes de neige. « Plus la température de ces lacs est chaude, plus il y a d’humidité dans l’air, et plus la possibilité de neige issue d’un effet de lac est grande », avait souligné Michael Mann dans un texte publié en 2018. « Sans surprise, on voit une augmentation sur le long terme des chutes de neige liées à l’effet de lac, avec le réchauffement des températures au cours du siècle dernier ».  

En revanche, d’autres mécanismes, comme l’effet du changement climatique sur les courants aériens que sont le vortex polaire et le Jet stream, ne font pas l’objet d’un consensus. Le vortex polaire est une masse d’air au-dessus du pôle nord, situé en haute altitude dans la stratosphère (nous vivons dans la troposphère, et la stratosphère est située juste au-dessus). Il est encerclé d’une bande d’air en rotation, qui agit comme une barrière entre l’air froid du nord, et celui plus doux au sud. Mais lorsque le vortex polaire s’affaiblit, cette bande d’air commence à onduler et prendre une forme plus ovale, apportant davantage d’air froid vers le sud.

Selon une étude de 2021, ce type de perturbation survient de plus en plus souvent, et se répercute dans les deux semaines qui suivent plus bas dans l’atmosphère, là où se trouve le Jet stream. Ce courant aérien qui souffle d’ouest en est, en suivant là aussi la frontière entre airs froid et chaud, serpente alors de telle manière qu’il permet à l’air froid du nord de faire intrusion à de plus basses latitudes, notamment sur l’est des Etats-Unis. 

« Tout le monde est d’accord pour dire que lorsque le vortex polaire est perturbé, il y a une augmentation de la probabilité de violentes tempêtes hivernales », a déclaré à l’AFP Judah Cohen, auteur principal de cette étude et climatologue pour l’Atmospheric and Environmental Research (AER). Et ce vortex polaire « étiré » est exactement ce qui a été observé juste avant la tempête ayant frappé les Etats-Unis en ce mois de décembre, a-t-il souligné. C’était également le cas en février 2021, lorsqu’un froid glacial s’était abattu sur le Texas, provoquant des coupures d’électricité massives.

Mais le cœur du débat est ailleurs. Car la question clé est la suivante : par quoi ces perturbations accrues du vortex polaire sont-elles causées ? Selon M. Cohen, elles sont liées aux changements dans l’Arctique, accélérés par le changement climatique : d’une part la fonte rapide de la banquise, d’autre part l’augmentation de la couverture neigeuse en Sibérie. « C’est un sujet que j’étudie depuis plus de 15 ans, et je suis aujourd’hui plus confiant dans ce lien que je ne l’ai jamais été », déclare-t-il.

Ce dernier point reste toutefois « un débat actif au sein de la communauté scientifique », a souligné Michael Mann. « Les modèles climatiques ne capturent pas encore toute la physique sous-jacente pouvant être pertinente pour la façon dont le changement climatique impacte le comportement du Jet stream. » De nouvelles études seront donc nécessaires afin de percer le mystère de ces complexes réactions en chaîne.