Un doigt robotisé habillé d’une peau (presque) humaine
Publié le - par Veronique Marsollier
Les robots à l’apparence humaine inspirent depuis longtemps la science-fiction, mais il reste un long chemin à parcourir pour atteindre la perfection de ces machines biohybrides imaginaires. Des chercheurs japonais de l’université de Tokyo viennent cependant de franchir un nouveau pas dans l’innovation : ils ont réussi à mettre au point une peau humaine vivante adaptée à un doigt robotique. La méthode est présentée dans la revue Matterdu 9 juin dernier.
Les robots humanoïdes actuellement conçus ont pour fonction première d’interagir avec les êtres humains, en particulier dans les domaines de la santé et des services. Une allure humaine pour favoriser la communication et l’empathie : voici l’un des caractères développés chez ces robots. Or le silicone utilisé pour les recouvrir – qui tend à imiter la texture veloutée et vivante de la peau humaine – est loin d’être parfait. Et jusqu’à présent, les tentatives de fabrication de feuilles de peau vivante des robots n’ont eu qu’un succès limité, tant il est difficile de les adapter à une structure dynamique en trois dimensions.
L’équipe a donc testé un nouveau procédé sur un doigt robotique à trois articulations. Pour couvrir efficacement les surfaces avec des cellules cutanées, les chercheurs ont créé une méthode qui permet de mouler de manière homogène le tissu cutané sur le robot.
Le doigt robotique a d’abord été immergé dans une solution de collagène et de fibroblastes dermiques humains, les principaux composants des tissus conjonctifs de la peau. La tendance naturelle au rétrécissement d’un tel mélange a favorisé sa conformation étroite au doigt. Comme les apprêts de peinture, cette couche a fourni une base uniforme pour accueillir une autre couche de cellules, les kératinocytes épidermiques humains. Ces cellules constituent 90 % de la couche la plus externe de la peau, conférant au robot une texture semblable à celle de la peau et des propriétés retenant l’humidité.
Le résultat obtenu est remarquable : la peau fabriquée a suffisamment de force et d’élasticité pour supporter les mouvements dynamiques lorsque le doigt robotique s’enroule et s’étire. La couche la plus externe est suffisamment épaisse pour être manipulée : elle peut être soulevée avec des pincettes, adaptée à une surface et coupée.
Mais elle possède également un autre atout : lorsqu’elle est blessée, elle est capable de s’auto-guérir comme celle des humains à l’aide d’un pansement au collagène, qui se transforme progressivement en peau et résiste aux mouvements répétés des articulations.
Si l’avancée est réelle, « ce travail n’est que la première étape vers la création de robots recouverts de peau vivante, dotés de l’apparence et du toucher de créatures vivantes », souligne Takeuchi Shoji, un des auteurs principaux de l’étude. En effet, la peau développée est beaucoup plus fragile que la peau naturelle et ne peut pas survivre longtemps sans apport constant de nutriments et élimination des déchets. Les chercheurs souhaitent désormais résoudre ces difficultés, grâce notamment à l’intégration de structures fonctionnelles plus sophistiquées : neurones sensoriels, follicules pileux, ongles et glandes sudoripares.