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Vue de la Voie lactée et de proches galaxies réalisée par le satellite Gaia à partir de sa mesure de plus de 1,7 milliard d’étoiles, avril 2018 © ESA/AFP

La mission Gaia, dont le télescope spatial dresse une carte détaillée de la Voie lactée, dévoile aujourd’hui une nouvelle version riche d’informations sur près de deux milliards d’astres dont elle suit la course et analyse les propriétés. « C’est le couteau suisse de l’astrophysique. Il n’y a pas un seul astronome qui n’utilisera pas ses données, directement ou indirectement », affirme à l’AFP l’astronome de l’Observatoire de la Côte d’Azur, François Mignard, responsable de Gaia pour la France.   

La communauté des astronomes pourra piocher dès lundi, à partir de 10 h GMT, dans le troisième catalogue des données récoltées par l’instrument. Une moisson, accompagnée d’une cinquantaine d’articles scientifiques, qui recense une pléiade d’objets célestes. Des plus proches, avec plus de 150 000 astéroïdes de notre Système solaire, « dont l’instrument a calculé l’orbite avec une précision incomparable », dit M. Mignard, en passant par de nouvelles mesures concernant plus de 1,8 milliard d’étoiles de la Voie lactée. Et au-delà de cette galaxie : des populations d’autres galaxies et de quasars lointains.

Lancé pour le compte de l’Agence spatiale européenne (ESA), le télescope Gaia est opérationnel depuis 2013, stationné sur une position privilégiée, appelée L2, à un million et demi de kilomètres de la Terre, à l’opposé du Soleil.

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Vue d’artiste du télescope Gaia © ESA/AFP/Archives STR

« Gaia scanne le ciel et ramasse tout ce qu’il voit », résume l’astronome Misha Haywood, à l’Observatoire de Paris-PSL. Il détecte et observe une toute petite partie (à peine 1 %) des astres de notre galaxie, dont le diamètre mesure 100 000 années lumière. Mais il en établit bien plus qu’une simple carte. Ses deux télescopes sont associés à un capteur photographique d’un milliard de pixels, là où celui d’un appareil photo commercial se compte en millions. Trois instruments d’astrométrie, photométrie et spectroscopie, vont interpréter les photons, de véritables signaux de lumière, ainsi récupérés. « Il fournit grâce à cela une observation globale des positions de ce qui bouge dans le ciel. C’est la première fois », poursuit M. Haywood. Avant Gaia, « on avait une vue vraiment restreinte de la galaxie ».

Avant Gaia ? C’était Hipparcos, le satellite qui a révolutionné l’observation après son lancement par l’ESA en 1997, en cataloguant plus de 110 000 objets célestes. Avec Gaia, les astronomes ont accès non seulement aux positions et mouvements d’un grand nombre d’étoiles, mais aussi à des mesures de leurs caractères physiques et chimiques, et, tout aussi important, de leur âge. Autant d’informations « qui nous renseignent sur leur évolution passée, et donc sur celle de la galaxie », explique l’astronome Paola di Matteo, collègue de Misha Haywood à l’Observatoire de Paris-PSL.

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Vue réalisée par le télescope Gaia des amas d’étoiles composant les grand et petit Nuages de Magellan, deux galaxies naines voisines de la Voie lactée, 3 décembre 2020 © ESA/AFP Handout

C’est d’ailleurs « une des raisons pour lesquelles Gaia a été construit », poursuit l’astronome. « Les étoiles ont cette particularité de vivre des milliards d’années. Leur mesure est donc comme celle d’un fossile qui nous renseigne sur l’état de la galaxie au moment de leur formation ». 

Cette vision d’ensemble des mouvements des étoiles de la Voie lactée a déjà permis des découvertes majeures. Avec le deuxième catalogue, livré en 2018, les astronomes ont pu montrer que notre galaxie avait « fusionné » avec une autre il y a dix milliards d’années. 

Le catalogue a donné naissance à des milliers d’articles scientifiques depuis sa première édition, en 2016. Le flot de données nécessite une chaîne de traitement au sol dédiée, le DPAC, sollicitant les super-ordinateurs de six centres de calcul européens, et la mobilisation de 450 spécialistes, explique François Mignard, qui en a été le responsable. « Sans ce groupe de traitement, il n’y a pas de mission », car Gaia produit chaque jour 700 millions de positions d’astres, 150 millions de mesures de photométrie et 14 millions de spectres. Un torrent de données brutes, que des algorithmes « pilotés par des humains », transforment en mesures utilisables par les astronomes.

Il aura fallu cinq ans pour livrer ce troisième catalogue d’observations étalées de 2014 à 2017. Et il faudra attendre 2030 pour en obtenir la version finale, quand Gaia aura fini de scruter l’espace, en 2025.