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es nuées de criquets migrateurs ont ravagé des cultures dans plusieurs régions du monde, un phénomène lié à une phéromone © AFP/Archives SUMY SADURNI

Le Covid-19 n’est pas la seule calamité à avoir fait parler d’elle cette année : les nuées de criquets migrateurs ont ravagé des cultures dans plusieurs régions du monde, un phénomène lié à une phéromone irrésistible, selon une étude publiée mercredi.

Pris individuellement, ce criquet est plutôt inoffensif, mais il peut se transformer, changer de couleur, et rejoindre ses congénères dans des nuages de millions d’individus. Selon une étude parue mercredi dans Nature, le secret de cette métamorphose est lié à une phéromone : presque comme un parfum irrésistible, la substance chimique est émise par le criquet dès qu’il se trouve à proximité d’une poignée de ses semblables. Effet boule-de-neige, la phéromone attire alors d’autres individus qui rejoignent le groupe et commencent eux aussi à émettre cette substance, la 4-vinylanisole ou 4VA. Cette découverte, qui intervient alors que des nuées record de criquets ont dévasté les cultures d’Afrique de l’Est et menacent l’approvisionnement alimentaire au Pakistan, permet d’envisager certaines applications, comme la création de criquets génétiquement modifiés qui seraient privés du détecteur de la phéromone, ou la mise en place de pièges pour attirer les insectes.

Les chercheurs ont expérimenté cette dernière hypothèse, installant des pièges à phéromone dans des environnements contrôlés et dans des champs, qui ont effectivement attiré les criquets.

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Une nuée de criquets s'abat sur le village de Lerata, à 300 km au nord de Nairobi, le 22 janvier 2020 au Kenya © AFP/Archives TONY KARUMBA

C’est « relativement efficace », même « si une optimisation et des ajustements sont nécessaires pour passer de l’expérimentation à une application pratique », a commenté l’un des auteurs, Le Kang, de l’Académie des sciences chinoise.

Une modification génétique de ces criquets pourrait également permettre « un contrôle durable et vert » de ces nuées, a noté le scientifique. Mais cela nécessiterait des efforts à long terme, et « une évaluation stricte de la sûreté biologique avant application », a-t-il ajouté.

Pour Leslie Vosshall, chercheuse à l’Université Rockefeller, qui n’a pas participé à l’étude, la perspective la plus enthousiasmante serait de trouver une substance chimique qui bloquerait la réception de la 4VA. « La découverte d’une telle molécule fournirait un antidote chimique à l’agrégation des insectes, et renverrait les criquets à leur vie pacifique et solitaire », a-t-elle commenté, soulignant toutefois de nombreuses inconnues, notamment savoir si cette phéromone est la seule responsable du comportement grégaire des criquets.