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Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en visite au Pakistan, dévasté par des inondations, le 9 septembre 2022 © AFP Ghulam Rasool

Nouveau coup de semonce à 10 jours de la COP27 : les engagements internationaux laissent la Terre sur la trajectoire d’un réchauffement de 2,6 °C d’ici la fin du siècle, un résultat « pitoyablement pas à la hauteur » pour Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, qui appelle à cesser le « greenwashing ».

Une estimation alarmante issue du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) qui analyse les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le rapport pointe l’inaction des États alors même que les conséquences du changement climatique se sont multipliées en 2022 avec l’aggravation et la plus forte occurrence des inondations, sécheresses, canicules, ou feux de forêt.

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Les chances de réduire le réchauffement climatique selon différents scénari © AFP

Inertie des États

Une passivité qui va à l’encontre des engagements pris lors de l’Accord de Paris conclu en 2015. Ce principal traité de lutte contre le réchauffement fixe pour objectif de contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C » et si possible à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Époque de référence où les humains ont commencé à utiliser en quantité les énergies fossiles qui produisent les gaz à effet de serre responsables du réchauffement. Or aujourd’hui, le climat s’est déjà réchauffé de près de +1,2 °C.

Une mauvaise trajectoire qui a déjà fait l’objet de tractations l’année dernière lors de la COP26 à Glasgow. Près des 200 pays signataires de l’Accord ont été invité à renforcer leurs lettres d’engagement détaillant leurs plans de réduction des émissions, appelées techniquement les « contributions déterminées au niveau national » (NDC). Cependant fin septembre, seuls 24 pays l’ont fait. Or ces rares efforts ne parviennent qu’à réduire les émissions en 2030 que d’un petit point de pourcentage supplémentaire, selon les calculs du PNUE. Au regard de cette inertie générale, le programme de l’ONU prévient que « le monde se précipite vers une augmentation de la température bien au-dessus de l’objectif de l’accord de Paris. »

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Les objectifs d'émissions insuffisants face au réchauffement climatique © AFP

Engagements de 5-10 % alors qu’il faudrait 30-45 %

Des engagements « pitoyablement pas à la hauteur », a lancé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dans un message vidéo cinglant. « Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale ». Le rapport calcule qu’à fin septembre, le cumul des engagements sans condition, d’actions ou de financements extérieurs, « donne 66 % de chances de limiter le réchauffement à environ 2,6 °C à la fin du siècle ».

La mise en œuvre effective des engagements actuels se traduirait par une baisse des émissions mondiales de 5 % (NDC sans condition) ou 10 % (NDC conditionnelles) en 2030 par rapport à aujourd’hui. Là où il faudrait qu’elles chutent de 30 % pour tenir l’objectif de 2 °C, et de 45 % pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Soit de trois à neuf fois plus !

En comptant les engagements nationaux de « neutralité carbone » qui se sont récemment multipliés, souvent à horizon 2050, la hausse pourrait même être contenue à 1,8 °C, revenant dans les clous de Paris. Mais « ce scénario n’est actuellement pas crédible », tempère immédiatement le rapport. Antonio Guterres a été plus direct : « les engagements à la neutralité carbone ne valent rien sans des plans, des politiques et des actions pour les soutenir. Notre monde ne peut plus se permettre de faire du greenwashing, d’avoir des faux-semblants, des retardataires. »

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Le barrage d'Al Massira, le deuxième plus grand du Maroc, le 8 août 2022, au milieu de la pire sécheresse enregistrée dans le pays depuis au moins quatre décennies © AFP Fadel Senna

2022 : « Année gâchée »

Un autre rapport, publié mercredi par l’agence ONU-Climat, avait aussi pointé des engagements « très insuffisants », tout en relevant que les émissions pourraient baisser à partir de 2030.

Mais 2022 aura été « une nouvelle année gâchée », a commenté à l’AFP Anne Olhoff, auteure principale du rapport du PNUE. « Ce qui ne veut pas dire que tous les pays ne prennent pas les choses au sérieux. Mais globalement, c’est très loin d’être satisfaisant. » Car pour atteindre les « coupes massives » nécessaires, soit autour de 7 % de réduction mondiale des émissions par an, l’ONU souligne qu’il n’est plus temps d’adopter une stratégie du « pas à pas ». Au contraire, « une transformation de grande envergure, à grande échelle, rapide et systémique est désormais essentielle. »

Dans l’énergie, cette transformation est en route, selon l’Agence internationale de l’Énergie (AIE). Son directeur, Fatih Birol, entrevoit désormais « la fin de l’âge d’or du gaz », effet paradoxal de la crise déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui force l’Europe à se passer du gaz russe.