2. Causes du réchauffement et responsabilité humaine
Chapitre 2 du dossier « Le climat en question(s) »
Isabelle Bousquet - Publié le , mis à jour le
La planète se réchauffe, c’est un fait, mais pour quelles raisons ? De nombreux facteurs ont une influence sur le climat. Tout d’abord le Soleil, qui est le moteur de la machine climatique, mais aussi l’activité volcanique ou l’effet de serre. Présents naturellement dans l’atmosphère, certains gaz dits à effet de serre sont capables de piéger la chaleur à la surface de la Terre. Ils maintiennent ainsi la température moyenne de la Terre à +15 °C, alors qu’elle serait de -18 °C sans eux. Depuis le début de l’ère industrielle, les activités humaines (industrie, énergie, bâtiment, transports, agriculture, déforestation…), associées à une démographie très importante, produisent elles aussi des gaz à effet de serre qui viennent s’ajouter à ceux déjà présents dans l’atmosphère. Malgré un débat alimenté par ceux qui se définissent comme « climato-sceptiques », pour les climatologues il ne fait plus aucun doute que l’Homme – à travers cet effet de serre additionnel – est responsable de la majeure partie du réchauffement planétaire observé depuis 1950.
Le climat sous influence
Soleil, éruptions volcaniques, effet de serre naturel et, depuis peu, activités humaines… De nombreux facteurs interviennent sur le climat de la Terre.
Plusieurs facteurs naturels agissent sur le climat de la Terre. En premier lieu, le Soleil qui est le moteur de la machine climatique. La quantité d’énergie solaire reçue par la Terre est variable. Elle dépend de l’inclinaison de son axe de rotation et des caractéristiques de son orbite autour du Soleil. Ces paramètres astronomiques sont à l’origine des périodes glaciaires et interglaciaires qui ont marqué les variations du climat terrestre au cours des derniers millions d’années. L’activité volcanique conditionne également le climat de la Terre, de même que l’effet de serre. Présents dans l’atmosphère, certains gaz comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone (CO2) ou le méthane (CH4) retiennent une partie de la chaleur reçue du Soleil. Sans ces gaz à effet de serre (GES), la température moyenne de la Terre avoisinerait -18 °C au lieu de +15 °C. Ils sont donc essentiels au développement de la vie sur Terre. À l’échelle géologique (millions d’années), l’effet de serre naturel a varié en fonction notamment du volcanisme et de la capacité particulière des océans à stocker du dioxyde de carbone lors des glaciations. Depuis le début de l’ère industrielle (200 ans), les activités humaines produisent elles aussi des GES, qui s’ajoutent à ceux naturellement présents dans l’atmosphère. Cet effet de serre additionnel augmente le réchauffement de l’atmosphère et permet d’expliquer, selon le Giec (5e rapport), le réchauffement planétaire observé depuis 1950.
L’Homme, acteur du réchauffement
Selon les dernières données scientifiques, il ne fait quasiment plus aucun doute que les activités humaines sont la cause principale du réchauffement observé depuis 1950.
Pour le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), il est « extrêmement probable » que les activités humaines (exploitation de combustibles fossiles, intensification des activités agricoles, déforestation…) sont la cause principale du réchauffement observé depuis 1950 par les gaz à effet de serre qu’elles libèrent dans l’atmosphère. Pour connaître l’évolution de la composition atmosphérique au cours du temps, les scientifiques combinent des mesures directes et l’analyse de l’air ancien piégé dans les glaces de l’Antarctique. Résultat : ils observent une élévation de la teneur en CO2 qui coïncide avec le début de la révolution industrielle et qui s’accompagne d’une diminution de l’oxygène, ce qui démontre que le dioxyde de carbone supplémentaire est produit par des processus de combustion, donc par les activités humaines. Autre argument en faveur de l’action humaine sur le climat : les simulations climatiques basées sur les seuls facteurs d’origine naturelle (variations solaires et éruptions volcaniques) ne parviennent pas à expliquer le réchauffement observé depuis les années 1950. Le rôle des gaz à effet de serre est donc dominant dans l’élévation du thermomètre mondial bien qu’il soit partiellement compensé par l’effet refroidissant de certaines particules de pollution produites elles aussi par les activités humaines.
Premier gaz incriminé : le CO2
Le dioxyde de carbone représente plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) induites par les activités humaines.
Les activités humaines rejettent différents gaz à effet de serre dans l’atmosphère : dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), oxyde nitreux (N2O), ozone (O3), HCFC (substituts des CFC interdits par le protocole de Montréal depuis 1987)… Le CO2 est produit par la combustion des matières fossiles ou par les feux de forêts. Le CH4 est issu des rizières, de la digestion des ruminants ou des pertes lors de l’extraction, du transport ou de l’utilisation du gaz naturel. Le N2O est rejeté par certains processus industriels et par la transformation des engrais azotés par les sols, et l’O3 est issu de polluants produits par le transport, le chauffage ou certaines industries. Les CFC, quant à eux, qui restent encore présents dans l’atmosphère, ont longtemps été utilisés comme gaz réfrigérants ou propulseurs. Le CO2 représente plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) induites par les activités humaines, loin devant le CH4 (15 %), l’O3 (12 %), les CFC (11 %) et l’oxyde nitreux (5 %). C’est pourquoi on mesure l’effet des autres GES en équivalent CO2. De plus, le CO2 qui s’accumule dans l’atmosphère a une longue durée de vie (jusqu’à plusieurs milliers d’années) : 20 % au moins des rejets actuels auront encore un effet dans l’atmosphère dans 1 000 ans. Ce qui n’est pas le cas du méthane : il a un pouvoir de réchauffement 23 fois plus important que le dioxyde de carbone mais sa durée de vie est beaucoup plus courte (10 à 20 ans). Le CO2 est donc le principal responsable de l’effet de serre induit par les activités humaines (« forçage radiatif » de 1,7 watt/m2 sur un total de 2,3 watts/m2).
Charbon ultra polluant
Le charbon est la plus polluante des matières fossiles : sa combustion génère 43 % des émissions mondiales de CO2, suivi par le pétrole (33 %) et le gaz naturel (18 %). La Chine représente à elle seule près de la moitié de la consommation mondiale de charbon. En Europe, c’est l’Allemagne qui consomme le plus de charbon pour son électricité, devant la Pologne (ici, la centrale de Belchatow) et la Grande-Bretagne.
Des forêts qui s’amenuisent…
Dans le monde, les feux de forêts et la déforestation (en particulier, la destruction massive des forêts tropicales) comptent pour 11 % des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est la deuxième source d’émission de dioxyde de carbone, après la combustion des matières fossiles. D’une part, du CO2 est dégagé lors des incendies ; d’autre part, les végétaux détruits ne jouent plus leur rôle majeur d’absorption du CO2 par photosynthèse.
Les experts du climat
20 000 scientifiques collaborent à l’étude du climat et de son évolution passée et future. Le Giec est chargé de livrer une synthèse des connaissances.
La climatologie est une science pluridisciplinaire et internationale. Physiciens, chimistes, glaciologues, statisticiens, océanographes, météorologues, géologues, astronomes, biologistes, historiens, géographes… 20 000 scientifiques dans le monde, dont un millier en France, étudient le climat ainsi que son évolution au cours des temps anciens et de ceux à venir. Ils bénéficient de l’aide d’informaticiens et de mathématiciens dans la mise au point de puissants modèles informatiques capables de simuler la machine climatique et de prédire ses variations futures (cf partie III). Techniciens et ingénieurs innovent, quant à eux, pour mettre au point des instruments de mesure toujours plus performants (sondes, satellites…). Cinq organismes suivent l’évolution de la température moyenne à la surface de la planète : l’Agence américaine de l’océan et de l’atmosphère (Noaa), l’Agence spatiale américaine (Nasa), le Centre Hadley du Met Office britannique, l’université de Berkeley et l’Agence météorologique japonaise. Chaque année, la climatologie produit des milliers de publications scientifiques. D’où la nécessité de faire régulièrement une synthèse de l’état des connaissances. C’est le rôle du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec*), créé en 1988 par les Nations unies et l’Organisation météorologique mondiale, dont les rapports (le 5e a été publié en 2013 et 2014) sont rédigés par des centaines d’auteurs, sur la base des publications scientifiques, et relus par plus de 1 000 chercheurs. Ce socle scientifique, construit collectivement et approuvé par l’ensemble des gouvernements, sert de base aux négociations internationales sur le climat.
L’air piégé des glaces
800 000 ans d’analyse du CO2 et de la température dans la glace de l’Antarctique montrent que, parallèlement au réchauffement global de la planète, la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a augmenté de 40 % depuis 1750 du fait des activités humaines. Les glaciologues sont en effet capables de repérer dans l’air piégé des glaces la signature d’une combustion de matières fossiles. Le consortium européen d’études des carottes de glace vise à étendre cet enregistrement sur plus d’un million d’années. Pour cela, le projet français Subglacior développe un nouveau type de carottier-sonde, avec une technologie laser.
La part du Soleil
Tous les onze ans, en moyenne, notre étoile connaît un regain d’activité qui se manifeste par une augmentation du nombre de « taches solaires » (points noirs sur la photo) et de la quantité d’énergie solaire arrivant sur Terre. Cela se traduit par une fluctuation de 0,1 °C (au plus) de la température moyenne à la surface de la Terre. L’activité du Soleil ne peut donc pas expliquer à elle seule le réchauffement planétaire observé au cours des dernières décennies.
Des particules refroidissantes
En éjectant des quantités importantes de cendres et d’aérosols sulfatés, les éruptions volcaniques de type explosif (ici, celle du Pinatubo aux Philippines en juin 1991) contribuent à un refroidissement de courte durée (de un à trois ans) de l’atmosphère. Certaines particules de pollution – qui proviennent des fumées industrielles, des gaz d’échappement ou des feux de forêt – ont également un effet refroidissant sur le climat, lequel atténue l’effet réchauffant des gaz à effet de serre.
L’empreinte chauffante d’El Niño
Les océans, qui couvrent 71 % de la surface du globe et absorbent 93 % de l’énergie stockée par la Terre, jouent un rôle déterminant dans le système climatique. À court terme, le principal mode de variabilité naturelle du climat à l’échelle globale est El Niño, un phénomène de réchauffement des eaux de surface de l’océan Pacifique équatorial qui se produit tous les deux à sept ans. Il en résulte une succession d’évènements météorologiques extrêmes (inondations ou sécheresses) dans les régions tropicales, et un réchauffement de la température moyenne globale. Fort en 2015, ce phénomène avait été encore plus intense en 1998. Il arrive aussi que le phénomène s’inverse : c’est La Niña, qui conduit à un refroidissement de la température du globe.
Sommes-nous entrés dans l’ère de l’Anthropocène ?
Pour certains scientifiques, dont le Prix Nobel de chimie néerlandais Paul Crutzen, nous aurions quitté l’ère géologique de l’Holocène (commencée il y a environ 11 700 ans) pour entrer dans celle de l’Anthropocène, où l’Homme, par son mode de vie, serait devenu le principal facteur de modification de l’environnement.