Stations météorologiques, marégraphes, flotteurs dérivant dans les océans et satellites sont mobilisés pour suivre l’évolution du climat terrestre… et constater que la Terre se réchauffe, avec des impacts déjà visibles, comme la fonte de la banquise Arctique ou le recul de la plupart des glaciers continentaux. Est-ce nouveau dans l’histoire de notre planète ? Pour répondre à cette question, les climatologues explorent tout ce qui dans l’environnement garde en mémoire des indices climatiques : carottes de glace, carottes de sédiments marins ou lacustres, cernes de bois, récifs coralliens, grains de pollen… Résultat : le climat de la Terre s’est déjà réchauffé dans le passé en réponse à différents facteurs naturels. Ainsi, la Terre a été très chaude du fait d’un effet de serre important durant l’Éocène, il y a 60 millions d’années, et durant le Pliocène, il y a environ 3 millions d’années. Mais le réchauffement des trente dernières années est inédit au regard des 1500 ans écoulés, notamment par son caractère global et ses premiers impacts.

Le climat, ce n’est pas la météo !

Par son échelle de temps longue et la multitude de mécanismes en jeu, la climatologie se distingue fortement de la météorologie.

La météorologie décrit l’état de l’atmosphère à un instant donné et à un endroit précis de la Terre, son évolution pouvant être prévue sur quelques jours. En revanche, le climat d’une région, c’est l’ensemble des conditions météorologiques durant une longue période, au moins trente ans. Le climatologue travaille donc sur le long terme – contrairement au météorologue qui fait des prévisions sur le court terme – et il s’intéresse aux valeurs moyennes des paramètres atmosphériques : température de l’air, précipitations, pression atmosphérique, force et direction des vents… Plus globalement, à l’échelle planétaire, le climat se définit avant tout comme une question d’énergie. La Terre est alimentée par l’énergie du Soleil et le climat, ou plutôt ce qu’on appelle « la machine climatique », redistribue ces flux de rayonnement solaire à la surface du globe. L’état du climat terrestre dépend alors de l’équilibre entre l’énergie reçue du Soleil et celle qui repart vers l’espace. Toute perturbation de cet équilibre provoque un changement du climat terrestre. Les facteurs qui perturbent cet équilibre, appelés « forçages », peuvent être naturels, comme l’activité du Soleil ou des volcans, ou bien anthropiques, c’est-à-dire dus aux activités humaines. Le réchauffement global en cours reflète une accumulation d’énergie dans le système climatique, dont 93 % est absorbée par les océans, 3 % dans les sols, 3 % dans les glaces et 1 % dans l’atmosphère.

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© Julien Tredan-Turini

Une surveillance mondiale

Stations météorologiques, marégraphes, flotteurs dérivant dans les océans et satellites sont mobilisés pour suivre l’évolution du climat de la Terre.

Pour observer le climat de la Terre, de grands réseaux mondiaux de mesures météorologiques et océanographiques ont été mis en place depuis plus d’un siècle. Ils enregistrent, à l’aide d’appareils de mesure standardisés, des grandeurs physiques comme la température, la pression, l’humidité de l’air ou la salinité des océans. Ces réseaux de mesure sont complétés, depuis une quarantaine d’années, par une surveillance du climat par satellites. Ils permettent d’accéder à la température de l’atmosphère ou à celle des océans, à la hauteur du niveau des mers, à la distribution des précipitations et des nuages, au niveau d’extension de la banquise, à une estimation de la masse des calottes de glace… Des dizaines de satellites sont ainsi mis à contribution, ainsi que 11 000 stations météorologiques et près de 6 000 marégraphes et flotteurs dans les océans. Cet effort coordonné et mondial a été mis graduellement en place d’abord pour la prévision du temps, puis pour la surveillance du climat. L’un des indicateurs de l’évolution du climat est le suivi, année après année, de l’évolution de la température moyenne à la surface de la planète, qui avoisine +15 °C. Son estimation repose sur l’agrégation de données qui n’ont pas une couverture homogène ni dans le temps, ni dans l’espace, avec un déficit de stations de mesures dans certaines régions, et des modifications des instruments au cours du temps. Pour homogénéiser toutes ces données, les climatologues ont recours à des procédures statistiques complexes.

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© Sabrina Speich

Toujours plus profond dans les océans

Depuis les années 1990, les mesures automatisées des flotteurs qui dérivent dans les océans (bouées Argo) complètent les observations effectuées à partir des navires océanographiques. Afin d’améliorer le suivi des courants marins, qui ont une influence sur le climat, de nouveaux flotteurs – testés en France, aux États-Unis et au Japon – pourront permettre d’étudier les océans jusqu’à 4 000 mètres, voire 6 000 mètres de profondeur.

Les archives du millénaire

Sédiments marins ou lacustres, glaces, cernes des arbres, récifs coralliens ont gardé une trace (dans leur structure et leur composition physico-chimique) des conditions climatiques (température, pluviosité, salinité…) qui régnaient au moment de leur formation. Après analyse et datation des échantillons de ces archives naturelles, les paléoclimatologues peuvent ainsi « reconstruire » l’évolution du climat passé, site par site, puis région par région. Résultat : dans l’hémisphère nord, les variations de température ont été modestes (moins de 2 °C) au cours des deux derniers millénaires.

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© CNRS

« Coup de chaud » sur la planète !

La Terre se réchauffe avec des impacts déjà visibles comme la fonte de la banquise arctique, le recul des glaciers et l’élévation du niveau des mers.

+0,90 °C : c’est l’augmentation de la température moyenne à la surface de la Terre (continents et océans) entre 1880 et 2017. Le climat se réchauffe à l’échelle planétaire, mais de façon non uniforme : l’hémisphère nord est plus touché, le réchauffement est maximal aux hautes latitudes (Arctique) et il est plus prononcé sur les continents que dans les océans. Ce réchauffement a déjà des impacts sur l’environnement. Le plus frappant est la fonte de la banquise arctique en été, avec une diminution de sa surface et de son épaisseur. Mais on observe également un recul généralisé des glaciers des régions tropicales, tempérées et polaires. De plus, les mesures effectuées par les marégraphes et les satellites montrent une augmentation du niveau des océans de 3 millimètres par an depuis vingt ans. En effet, en se réchauffant, les océans se dilatent, ce qui, avec la fonte des glaces continentales (glaciers de montagne et glaces du Groenland et de l’Antarctique), conduit à une élévation du niveau des mers. Autres témoins du réchauffement : la migration de certaines espèces, comme la chenille processionnaire du pin qui remonte vers le nord en France ou les oies cendrées qui hibernent de plus en plus dans notre pays sans aller jusqu’en Espagne ou en Afrique ; on note également un avancement de la date de floraison de certains arbres fruitiers. Enfin, dans de nombreuses régions du monde, le nombre moyen de jours de gel par an a décru et le nombre de journées chaudes (température supérieure à 25 °C) a augmenté depuis 1950 (de plus de 50 % pour Paris).

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© Julien Tredan-Turini

L’océan Arctique, bientôt libre de glace ?

Depuis le début de son suivi par satellite en 1979, la surface de la banquise Arctique en septembre diminue de 10 % par décennie en moyenne. Les données historiques montrent, quant à elles, que le réchauffement observé depuis un siècle est trois fois plus important en Arctique que dans le reste du globe. Selon certains scénarios, la glace pourrait avoir totalement disparu en été dans l’océan Arctique dès 2050. Sur cette image, on voit en jaune l’étendue médiane de la banquise (glace de mer) en septembre pour la période 1981-2010 et la surface de la banquise en septembre 2017.

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© National Snow and Ice Data Center
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© Archie Miles/AKG-images Only France/AFP

Le recul des glaciers

À l’exception de certains glaciers (Karakorum) de l’Himalaya, la plupart des glaciers continentaux voient leur volume baisser. Ici la Mer de Glace (photos à gauche prise en 1870, et à droite en 2013) dont le front atteignait le village de Praz dans la vallée de Chamonix et qui a reculé de 1,8 kilomètre entre 1823 et 1995, et de 700 mètres depuis 1993.

Un réchauffement inédit ?

Le climat de la Terre s’est déjà réchauffé dans le passé mais si l’on observe les derniers 1 500 ans, le réchauffement actuel est exceptionnel.

Pour savoir si le réchauffement actuel est sans précédent, il faut disposer d’enregistrements climatiques sur de longues échelles de temps. Les paléoclimatologues, qui étudient les climats passés, font appel à un ensemble d’archives naturelles du climat. L’analyse des sédiments marins permet de reconstituer les variations du niveau des mers et de la température des océans depuis plus de 60 millions d’années. Les carottages dans les glaces de l’Antarctique donnent accès aux variations du climat polaire et de la composition atmosphérique (via les bulles d’air piégées dans la glace) sur 800 000 ans. Les sédiments des lacs ou les concrétions des grottes permettent de caractériser l’évolution du climat au cours de milliers à centaines de milliers d’années. Pour les derniers millénaires, les informations préservées saison après saison dans les anneaux de croissance des arbres ou les coraux jouent un rôle précieux. Résultat : le climat terrestre a maintes fois changé dans le passé, en réponse à différents facteurs naturels. Ainsi, la dérive des continents a eu une influence sur le climat à l’échelle de millions d’années, et les variations de l’orbite terrestre, à l’échelle de milliers d’années. De même, l’activité solaire et les éruptions volcaniques jouent un rôle sur la variabilité naturelle du climat. Néanmoins, le réchauffement des trente dernières années est inédit au regard des 1 500 ans écoulés, notamment par son caractère global et ses premiers impacts.

Ce dossier est une déclinaison de l’exposition « Le climat à 360° » présentée à la Cité des sciences de l’industrie en septembre 2015 à l’occasion de la COP21, avec le soutien de la Fondation BNP Paribas. Les contenus ont été mis à jour en 2018.