« Des singes et des plantes » Voix off : Certains groupes de grands singes, comme ces chimpanzés qui vivent en Ouganda dans le parc de Kibalé, ont un régime alimentaire composé d’environ 300 aliments, mais ils sont aussi capables de choisir des aliments particuliers lorsqu’ils sont malades. Cette auto-médication des grands singes ne pourrait-elle pas être la source de nouveaux médicaments ? Chercheur : Je travaille sur les chimpanzés, depuis environ une vingtaine d’année, tout d’abord en république du Congo et aujourd’hui en Ouganda dans les forêts tropicales. Je me suis intéressé tout particulièrement à leur comportement alimentaire et plus spécifiquement aux individus qui étaient malades afin de savoir s’ils mangeaient quelque chose de différent des individus sains. Et donc, parmi ces 300 aliments, certains ont montré des bonnes activités médicinales, donc des propriétés qui semblent montrer qu’ils utilisent ces plantes pour améliorer leur santé. La toux ou bien les diarrhées sont des signes, des symptômes, qui vont attirés mon attention. Et, à ce moment-là, je vais essayer de regarder par exemple s’ils consomment une certaine espèce de feuilles, en particulier des feuilles rugueuses que les chimpanzés ingurgitent tout rond sans mâcher à jeûn le matin quand ils sont parasités. Et donc ces feuilles font un effet de purge qui va permettre d’évacuer les parasites digestifs, les vers, qui sont accrochés dans le tube digestif. Un autre comportement, qui est facile à détecter, est celui d’utilisation de plantes en usage externe. Donc, par exemple, les chimpanzés vont prendre des feuilles qu’ils vont appliquer sur des plaies pour les nettoyer. Donc ça, ça ressemble un peu à une compresse qu’on utiliserait pour nettoyer nos plaies. Et, ensuite, il y a troisième type de comportements qui peut être particulièrement intéressant, c’est celui qui est basé sur les propriétés chimiques et un goût particulier des plantes. Donc, dans ces cas là, les chimpanzés vont manger des plantes qui sont, soit par exemple très amères, soit astringentes, comme par exemple l’écorce de marcamia ou bien l’écorce d’eucalyptus que les chimpanzés utilisent particulièrement quand ils ont mal à la gorge, qu’ils toussent. Voix off : Grâce à l’automédication des chimpanzés en Ouganda, l’équipe de Sabrina Krief réalise des analyses chimiques des plantes découvertes. Chercheur : Les observations des chimpanzés nous permettent de récolter les plantes. Ensuite donc de les préparer pour en extraire des molécules chimiques. Ca consiste à faire des récoltes sur le terrain, les couper en petits morceaux, évidemment avant les identifier au niveau botanique. Ensuite, leur faire subir un traitement chimique pour extraire les molécules et ensuite tester les molécules sur différentes cibles qui peuvent être des bactéries, des virus, des champignons, des parasites ou bien des cellules cancéreuses. Aujourd’hui, on a réalisé environ un millier d’extraits de plantes à partir des observations faites sur les chimpanzés. Celles qui nous intéressent tout particulièrement sont les plantes à activité antipaludique parce que c’est une maladie qui touche un très grand nombre de personne sur terre. Un enfant meurt toutes les trente secondes du paludisme. Il y a des résistances qui se développent. En suivant les chimpanzés en Ouganda, j’ai découvert deux nouveaux parasites qu’on avait jamais décrits auparavant. Et donc, une des plantes est le Trichilia Rubescens qui a des activités intéressantes, une molécule tout à fait nouvelle. Donc, ça, ça fait partie des plantes prometteuses. Le rythme de déforestation actuelle, la défragmentation de l’habitat, les cultures qui de plus en plus prennent le pas sur la forêt semblent montrer qu’on n’a pas totalement conscience de cette grande richesse qu’offrent les forêts tropicales, du fait que l’on est en train de détruire probablement des ressources inestimables et inestimées qui peuvent nous aider pour traiter certaines maladies qui sont encore soit mal traitées, soit pas traitées, où bien pour lesquelles des résistances se développent. Voix off : Préserver ces écosystèmes et la survie des grands singes est donc une priorité afin de trouver de nouveaux moyens pour protéger notre propre santé.
Réalisation :
Pascal Moret , Jean-Philippe Camborde
Production :
La Belle Société - Universcience - CNRS Images - Inserm - France Télévisions - MNHN - A way to wake up - Ceebios - Ville de Senlis - Biomimicry Europa
Année de production :
2016
Durée :
4min45
Accessibilité :
sous-titres français