AU TABLEAU !
Bertrand Barré
À quoi sert un réacteur nucléaire ? Eh bien en fait ça sert à faire bouillir de l'eau en grosse quantité et d'utiliser la vapeur produite pour faire tourner une turbine qui entraîne un alternateur qui fait de l'électricité. Tout ceci, non pas en faisant brûler du charbon ou du fioul comme d'autres centrales mais en faisant de la fission, c'est-à-dire sans faire de la combustion, sans émettre de gaz à effet de serre. Et ça n'est malheureusement, d'une certaine façon, économe que si le réacteur est gros, que s'il y a des grosses quantités. Donc on sait faire des petits réacteurs, on sait faire des réacteurs économes mais c'est pas les mêmes. Alors on va voir un peu comment ça fonctionne dans la pratique.
Donc, dans la pratique, on part d'un combustible qui constitue le cœur du réacteur, celui où va se maintenir une réaction de fission en chaîne. La fission dégage de la chaleur et c'est cette chaleur qui va être utilisée pour faire bouillir de l'eau comme on le disait. Mais pas du premier coup. Donc ce cœur lui-même est à l'intérieur d'un gros – d'une grosse cuve en acier très épais, avec une entrée, une sortie, et un gros couvercle boulonné. Et dans ce couvercle on peut faire passer des – ce qu'on appelle des barres de contrôle, c'est-à-dire des absorbants qui viendront plus ou moins absorber des neutrons pour maintenir la puissance du réacteur au niveau qu'on veut. En ajustant la réaction en chaîne elle-même. Donc l'eau elle arrive par là, elle vient refroidir le cœur, là, l'eau chaude repart par là. Tout ceci se passe à l'intérieur de ce qu'on appelle un circuit primaire qui est fermé sur lui-même. Alors ce circuit comporte notamment un composant qu'on appelle un pressuriseur. Donc on va dire le cœur, la cuve, les barres de contrôle, le pressuriseur. Le pressuriseur, lui, il fait une bulle de vapeur pour maintenir toute l'eau qui est ici en bleu à l'état liquide. Donc elle boue pas à cet endroit-là. Alors en revanche, ce circuit ensuite va entrer dans un autre composant qu'on appelle un générateur de vapeur (il va en ressortir après) et là il va passer par toute une forêt de tubes minces en U qui sont un peu comme – comme un chauffe-eau, si vous voulez parce que ça, ce générateur de vapeur effectivement... L'eau arrive par là, l'eau chaude par là, passe à travers les tubes, redescend donc refroidie par là et entre temps elle a fait bouillir, alors mon truc – elle a fait bouillir de l'eau et la vapeur est envoyée à la turbine qui va entraîner l'alternateur, etc. Mon circuit primaire se referme sur lui-même, je vous ai dit, c'est un circuit fermé sur lui-même donc à partir de là on passe par une pompe pour que ça circule et ça revient là-haut. Donc la vapeur, elle, on l'envoie dans un autre bâtiment faire marcher une turbine qui entraîne un alternateur qui fait de l'électricité. Donc là ça part vers une ligne à haute tension. En sortant de la turbine, la vapeur entre dans un gros bidon qu'on appelle un condenseur parce que son rôle justement c'est de condenser la vapeur pour qu'elle redevienne de l'eau, et cette eau sera renvoyée dans le générateur de vapeur. Donc tout de suite on termine l'histoire comme ça. Condenseur, générateur de vapeur, turbine, alternateur, et pour condenser justement cette, cette vapeur, eh bien on fait entrer dans ce condenseur tout un tas de tuyaux avec de l'eau de mer ou de l'eau de rivière suivant l'endroit où on se trouve, et c'est ça la source froide. Donc vous voyez que le circuit primaire est fermé sur lui-même, le circuit secondaire est fermé sur lui-même et seulement le circuit tertiaire, celui qui est ouvert sur l'environnement a de l'eau qui arrive pour refroidir l'ensemble.
Alors par rapport à l'énorme quantité de radioactivité qu'on fabrique dans le cœur, pour en protéger le public et l'environnement, eh bien, on a un certain nombre de barrières. Donc les combustibles du cœur sont eux-mêmes à l'intérieur de gaines métalliques étanches. Donc en temps normal, tout reste à l'intérieur de la gaine. Si par hasard une gaine était fissurée, eh bien il y aurait des produits radioactifs qui partiraient mais ils partiraient dans le circuit primaire fermé sur lui-même. C'est la deuxième barrière. Et pour être tout à fait sûr, si je peux dire, on enferme tout le circuit primaire dans un gros bâtiment que voilà, très épais, en béton précontraint. Et maintenant, d'ailleurs, dans les modernes on en met deux, pourquoi pas, tant qu'on y est. Donc deux bâtiments qui sont l'enceinte de confinement et qui constituent la troisième barrière. Si la première barrière et la deuxième barrière perdaient leur étanchéité, ça resterait encore à l'intérieur de cette troisième barrière. Vous avez là le fonctionnement d'un réacteur typique comme on en a 58 en France.