AU TABLEAU !
Ali Saïb
Peut-on utiliser des virus comme outil thérapeutique ? C'est une question extrêmement importante et on va prendre l'exemple de la thérapie génique pour y répondre.
Donc la thérapie génique c'est quoi ? C'est une approche thérapeutique avant tout. Dans les années 50 on a découvert la structure en double hélice de l'ADN, et très rapidement, on s'est aperçu que cet ADN était présent dans toutes les entités vivantes, au niveau des cellules de ces entités vivantes (à l'exception des virus, et on en reparlera). Donc, très rapidement, a germé l'idée de pouvoir manipuler cet ADN. Une discipline nouvelle est apparue en biologie qu'on a appelée la biologie moléculaire. Cette discipline nouvelle est basée sur un dogme central qui est de dire que l'ADN des cellules va donner naissance à une molécule d'acide nucléique très particulière qu'on appelle l'ARN messager. Cet ARN messager va donner naissance à des protéines, et ce sont les protéines qui vont permettre aux cellules d'assurer leurs fonctions et bien évidemment aux organismes qui sont constitués de plusieurs cellules pour les organismes pluricellulaires. Donc c'est un dogme central qui permet de dire que, à partir de l'ADN, qui est constitué donc de milliers de gènes, ces gènes vont donner naissance à des protéines et des fonctions. Donc quelquefois, il existe des erreurs dans ces gènes et donc du coup si une erreur existe dans ce gène, la fonction est perdue ou modifiée et une maladie peut apparaître. Très rapidement, a germé dans l'esprit de ces biologistes moléculaires, l'idée de pouvoir modifier le patrimoine génétique pour restaurer une fonction perdue ou la modifier. Et l'un des outils permettant de faire ça pourrait être les virus. Parce qu'effectivement, on savait, et on sait toujours que les virus ont cette propriété d'apporter au sein des cellules qu'ils infectent, leur patrimoine génétique, à l'image d'un cheval de Troie, déjouant toutes les défenses immunitaires de l'organisme et déjouant les, les barrières physiques de l'organisme et des cellules, pour apporter leur patrimoine génétique au sein des cellules qu'ils vont infecter. Donc l'idée a été de prendre le patrimoine génétique de ces virus, de le prélever, et de, grâce à des techniques de génie génétique, de découper ce patrimoine génétique, de lui enlever tous les gènes viraux susceptibles de conduire à une pathologie, et de les remplacer par le gène cellulaire d'intérêt, qui va rectifier une fonction dans la cellule qui porte un défaut génétique. Le tout grâce à des techniques particulières, c'est de permettre de reconstituer le virus initial, on va appeler ce virus un virus « recombinant », et c'est ce virus recombinant qui va être mis sur des cellules que l'on va corriger pour ce défaut génétique et ce virus va apporter, au sein de cette cellule, la version correcte du gène pour rass... – pour ravoir à nouveau – pour avoir à nouveau cette fonction cellulaire perdue et corriger la maladie. Donc, comme je le disais tout à l'heure, cette idée a germé dans les années 60 et le premier qui a évoqué cette idée était Paul Berg. Et donc depuis ces années 60, on évoque plusieurs essais de thérapie génique et le premier qui a été un réel succès a été publié dans la revue Science en 2000, par l'équipe du professeur Alain Fischer, à l'hôpital Necker à Paris. Donc il a fallu attendre 40 ans pour obtenir le premier succès de thérapie génique utilisant un virus pour corriger un défaut génétique, pour corriger une pathologie que vous connaissez tous, qui est la pathologie des bébés-bulles, qui a pu être corrigée grâce à l'apport du gène correct, par l'utilisation d'un véhicule viral. Bien évidemment, comme toute approche thérapeutique il y a des risques. Ces risques sont apparus également pour cette approche thérapeutique puisque certains des patients ont développé d'autres pathologies, mais comme toute approche thérapeutique, je le répète, il y a un risque et un bénéfice et c'est l'équilibre entre ces deux aspects qui permet ou non d'aller vers cette voie thérapeutique. Donc aujourd'hui, l'utilisation des virus est une réalité, on l'a vu dans ce papier publié dans Science. Ce qu'il faut aujourd'hui garder à l'esprit c'est que l'utilisation de matériaux vivants, de matériaux viraux nécessite impérativement de mieux connaître à la fois la biologie de ces virus, utilisés comme outil de thérapie, mais également le dialogue qui s'instaure entre ces virus et la cellule qui va être infectée par ces virus pour mieux comprendre le devenir de cette information, même si elle est recombinante, c'est-à-dire qu'elle possède à la fois des séquences virales et cellulaires, pour mieux cerner des éventuels risques qui peuvent apparaître par l'utilisation de cette approche thérapeutique.