"2101, sciences et fiction"
"L'intelligence artificielle et robotique"
Jean-Gabriel Ganascia, informaticien et philosophe, spécialiste en intelligence artificielle.
-Il faut rappeler peut-être ce qu'est l'intelligence artificielle.
C'est une discipline qui est née en 1956 avec comme objectif de mieux comprendre l'intelligence, voire d'en reproduire certains aspects.
Le projet initial n'était pas de produire une intelligence artificielle, mais d'étudier l'intelligence avec les moyens de l'artificiel.
Le terme a eu beaucoup de succès, parce que derrière, on retrouve les mythes anciens, ceux du Golem, cette duplication de nous-mêmes avec une machine.
Les deux sont présents simultanément, la discipline scientifique et l'horizon.
Les pionniers de l'intelligence artificielle, qui sont à l'origine de la discipline et ont créé le mot, sont très intéressés par la science-fiction.
Il faut savoir que, par exemple, Marvin Minsky, qui a organisé la première école d'été avec John McCarthy, se vantait de connaître tous les auteurs de science-fiction de sa génération aux États-Unis.
Et il a été le conseiller scientifique de Stanley Kubrick lorsqu'il a fait le film "2001, l'Odyssée de l'espace".
"2001, l'odyssée de l'espace"
Il faut savoir que cette discipline, depuis le début, comme beaucoup de technologies, ne va pas de façon linéaire.
La technologie, ça vit, ça s'éteint et puis ça renaît.
L'intelligence artificielle a suscité un grand enthousiasme quand c'est né en 1956.
On a fait de la démonstration automatique de théorèmes mathématiques.
Quelques années après, on s'est rendu compte que c'était un peu limité.
Et puis, il y a eu une période noire, et à la fin des années 1970, début des années 1980, il y a eu une nouvelle renaissance, ou une nouvelle naissance, de l'intelligence artificielle, où on s'est intéressés à la formalisation d'un savoir, d'un métier, d'une activité professionnelle, avec les systèmes experts, la représentation des connaissances, l'IA sémantique.
Pour fabriquer une machine intelligente, il fallait s'inspirer de la façon dont les hommes faisaient pour raisonner, penser, parler, qui sont les attributs essentiels de l'IA.
Ensuite, quelques années après, il y a eu une relative déception, car les gens étaient très enthousiastes.
Puis, il y a eu renaissance.
Là, on est en période de grande renaissance de l'IA parce qu'on pense qu'avec cette exploitation massive de données et les algorithmes d'apprentissage machine, capables d'extraire la substantifique moelle d'une grande quantité de connaissances et de trouver ce qui est anormal, ce qui est irrégulier, ce qui fait qu'on va pointer son œil à cet endroit-là, qu'un nouveau continent est en train de s'ouvrir.
Et on sait que les besoins sont considérables parce qu'une grande partie de notre vie maintenant se passe sur Internet, dans le cyberespace.
Donc, il faut être capable de tirer parti de ces informations, avec tous les dangers que ça peut avoir.
À la fois, on a la science-fiction, avec les "précogs", dans "Minority Report".
Il y a un peu cet effroi-là parce qu'on a l'impression que la machine va nous devancer.
On fait des systèmes de profilage de l'individu.
On essaie de connaître votre désir avant que vous puissiez l'exprimer, ce qui sert à l'économie contemporaine, avec les publicités adaptatives.
Et éventuellement, on a la poursuite, le traçage permanent de l'individu.
C'est donc un monde nouveau qui naît.
"2101"
À partir de ça, dire ce que ça va être dans 100 ans, le plus étonnant avec la technologie, c'est qu'elle nous surprend, elle ne correspond jamais aux projections que l'on fait.
Je me souviens qu'au moment de l'an 2000, on m'avait interrogé sur l'an 2000.
Et j'avais écrit un article où je disais : "C'est étonnant parce que l'an 2000 est vraiment l'an 2000, en ce sens où il nous surprend."
Quand j'étais enfant, il y avait des projections sur l'an 2000, qui étaient des avions partout, des fusées ou la vie sous-marine, etc.
Arrivés en l'an 2000, rien de tout ça : "C'est banal, les voitures ressemblent aux voitures, les maisons ne changent pas."
Ce n'est pas la forme extérieure des objets qui a changé, c'est tout à coup un monde invisible qui a surgi.
Presque au tournant de l'an 2000, à la fin des années 1990, on a vu naître ce continent nouveau, qui était celui de l'Internet, et où l'intelligence artificielle y avait une part majeure puisque ce qu'on appelle le Web est directement issu des travaux qui ont été faits sur la modélisation d'une mémoire en intelligence artificielle.
La robotique, c'est le concours de trois disciplines.
3 choses interviennent en robotique.
La première, c'est que c'est une espèce de pantin articulé.
Il y a la mécanique des mécanismes.
Il faut qu'ils soient capables de se déplacer avec des jambes, etc.
Ce premier aspect est difficile, avec des matériaux nouveaux, des articulations plus fines, etc.
Deuxième aspect, c'est la capacité que le robot a de sentir son environnement, de le percevoir, d'avoir des capteurs, qui font qu'il va emmagasiner des impressions sensibles, qu'il va interpréter.
Il y a une partie de physique, la construction de ces capteurs, par exemple, de caméras ou de micros.
Mais il y a une deuxième partie qui est de l'intelligence artificielle, qui, à partir de ces informations, construit une représentation, et perçoit, dans le sens psychologique, la sensation de la perception.
Ensuite, il y a la troisième étape, qui n'est plus que de l'IA, où on part de cette description du monde et ensuite, le robot va agir, c'est un agent, soit virtuel, sur Internet, soit physique.
Il possède un certain nombre d'actions à sa disposition, qu'il faut paramétrer, quantifier, organiser.
En même temps, il a un état du monde et il a un but, en général.
"À suivre, Les robots d'Aldebaran"
2101, sciences et fiction
Conception et réalisation : Patrick Chiuzzi
Avec la voix de Johanna Rousset
Avec la participation de Jean-Gabriel Ganascia, informaticien et philosophe, spécialiste en intelligence artificielle
Images bande dessinée 2101 : Guillaume Chaudieu
Développeur : Thomas Goguelin
Image et son : Patrick Chiuzzi et Robin Chiuzzi
Enregistrement voix : Studio Ghümes
Musique : Ludovic Sagnier
Montage : Yann Brigant
Chromatiques
Producteur : Patrick Chiuzzi
Assistante réalisateur : Cécile Taillandier
Assistante de production : Élodie Henry
Images additionnelles : Shutterstock
The Earth in 4K – Nasa/M.Kornmesser/Music : Johan B. Monell (www.johanmonell.com)
Universcience
Rédaction en chef : Isabelle Bousquet
Production : Isabelle Péricard
Responsable des programmes : Alain Labouze
Avec la participation d’Amcsti
Remerciements : Eloïse Bertrand, Alice Chiuzzi, Agate Chiuzzi, Delphine Boju, la société Aldebaran Robotics, Aurore Chiquot, Romain Mascagni, Mathieu Gayon
Avec le soutien d’Investissements d’Avenir et la participation du Centre National de la Cinématographie et de l’image animée
© C Productions Chromatiques / Universcience / Centre de recherche astrophysique de Lyon / 2016