Nous sommes dans un champ un peu particulier près de Montpellier, avec ses tracteurs, son système d'irrigation et des machines volantes bardées de capteurs permettant le suivi très précis des plantations.
Face aux bouleversements climatiques et aux besoins toujours croissants de nourrir les humains de la planète Terre, le monde agronomique se voit confronté à un de ses plus grands défis : accélérer l'adaptation de l'agriculture
au monde de demain.
Comment trouver les nouvelles variétés plus résistantes au manque d'eau ou à des températures plus élevées ?
Des équipes de recherche travaillent avec les nouvelles technologies d'imagerie et de traitement de données pour inventer l'agriculture du futur.
Aujourd'hui, cette équipe de l'INRAE va scanner ce champ de blé grâce à un drone modifié devenu instrument scientifique.
Ici nous avons une caméra multispectrale avec un grand angle et cinq capteurs qui enregistrent sur des longueurs d'ondes différentes.
Les capteurs de ce drone à longueurs d'ondes bien spécifiques produisent de précieuses données sur l'état de santé de ce champ de blé, un champ divisé en de nombreuses microparcelles organisées en variétés différentes et dont les conditions environnementales peuvent changer.
Notre but va être de caractériser les variétés et leurs réponses à des environnements un peu contraints.
On est spécialisés sur le manque d'eau et les hautes températures.
L'équipe utilise les images produites par des drones, mais également d'autres machines au sol qui permettent d'obtenir des mesures plus fines des différentes caractéristiques des plantes, comme la taille des feuilles, la hauteur des pousses et l'ensemble de ces caractères observables, une espèce de carte d'identité de la plante à un moment donné. Ça s'appelle le phénotype.
L'équivalent pour les humains, c'est taille, poids, couleur des yeux, etc.
Donc des caractères qui sont observables et qu'on peut effectivement mesurer derrière.
Les humains étudient les phénotypes des plantes, ou même des animaux d'ailleurs, depuis les débuts de l'agriculture et de l'élevage. Ça s'appelle du phénotypage.
Le dérèglement climatique nous impose d'adapter notre agriculture au plus vite, trouver des variétés qui fleurissent plus tôt afin d'échapper à la chaleur estivale, ou qui ont des racines plus profondes afin de mieux puiser l'eau du sol.
Nous, classiquement, on le fait un peu visuellement, sur des aspects comme le nombre de fleurs, mais on ne va pas très vite.
Donc on réduit le nombre d'arbres qu'on va regarder et on veut aller plus loin plus vite et être capables de phénotyper
beaucoup de modalités différentes à l'échelle d'un verger, de multiplier ces observations
sur plein d'arbres, plein de pousses, ce qui est impossible si on reste sur des approches classiques.
Les chercheurs vont ainsi scanner le verger à intervalles réguliers afin de documenter toute la période de développement des plantes. C'est le phénotypage à haut-débit.
Toutes ces images, toutes ces données produites dans les vergers et dans les champs doivent être traitées rapidement.
Et c'est ici, au laboratoire CAPTE à Avignon, que les scientifiques développent les outils informatiques permettant de tirer des informations utiles sur la croissance et la santé des plantes.
Les noms que vous voyez ici sont les noms des variétés qu'on a testées dans cet essai et on peut voir à partir de ces résultats qu'il y a des variétés particulières comme "Nogal", qui dans tous les autres traitements présente une hauteur de plantes systématiquement plus hautes.
Le phénotypage à haut-débit permet ainsi d'identifier en un temps record les différences entre les variétés.
L'équipe a également contribué à la création d'algorithmes d'intelligence artificielle pour compter automatiquement
les épis de blé et ainsi quantifier la productivité des variétés.
Il y a deux aspects dans l'utilité du phénotypage.
Le premier aspect, c'est la sélection variétale pour sélectionner des variétés de demain qui seront bien adaptées
à des climats de demain.
Et l'autre côté, c'est d'aller plus profondément dans la compréhension du fonctionnement des cultures et donc de permettre de mieux modéliser leurs comportements généraux et également leurs comportements
dans différents contextes climatiques.
Dans les champs comme dans les laboratoires, c'est une nouvelle transition verte qui s'écrit pixel par pixel,
donnée par donnée.
De quoi semer, dès aujourd'hui, les graines d'une agriculture plus résiliente pour les générations futures.