La baisse de la fécondité s'observe partout sur la planète quelles que soient les régions, les cultures et les religions. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, une personne sur six dans le monde est touchée par l'infertilité, et la France ne fait pas exception. Mais face à ce phénomène qui augmente chaque année, la recherche scientifique présente de nouvelles perspectives. Les aides à la procréation médicalement assistée offrent des solutions, mais le parcours reste long et incertain. Ces aides sont d'ailleurs classées en plusieurs niveaux, selon la complexité des problèmes rencontrés par les couples.
- Le premier niveau étant l'induction simple de l'ovulation chez les patients qui ont uniquement des troubles ovulatoires, et après, les techniques d'aide à la procréation un peu plus poussées donc les inséminations intra-utérines, lorsqu'on a un problème ovulatoire ou spermatique de bas niveau. Et ensuite la fécondation in vitro qui va être un peu plus poussée en cas d'anomalie des trompes ou de pathologie du sperme, où on doit utiliser une technique de fécondation in vitro de type ICSI, ce qui signifie une injection au laboratoire des spermatozoïdes dans chaque ovocyte. Il y a également tout ce qui va être chirurgie potentiellement procréative, donc avec par exemple une chirurgie des trompes en cas d'anomalie et d'adhérence au niveau des trompes ou parfois même la chirurgie de l'endométriose, qui peut aussi être responsable de grands troubles de fertilité. Que ce soit à cause de problèmes de santé, de la pollution, du contexte socio-économique ou de l'évolution des modes de vie, l'infertilité est un phénomène multifactoriel qui ne cesse d'augmenter chaque année. Mais c'est encore du côté de la science que les solutions pourraient venir. À l'hôpital Cochin, au cœur de Paris, se trouve un laboratoire de l'Inserm spécialisé dans la reproduction où l'équipe de chercheurs du professeur Jean-Philippe Wolf travaille sur des molécules prometteuses : la fertiline. Cette molécule aurait notamment la capacité de contrer les effets du vieillissement des ovocytes, qui provoque une chute de la fertilité chez les femmes, dont l'âge du désir d'enfant augmente de nos jours.
- Primakoff, chercheur de UCLA, venait de publier dans "Cell", une très bonne revue, dans laquelle il disait : "Le récepteur du spermatozoïde sur la membrane de l'ovocyte de souris, c'est l'intégrine Alpha 6 Bêta 1."
Une fois activé, ce récepteur permet l'entrée du spermatozoïde venu féconder l'ovocyte. Pour démontrer que l'intégrine fonctionne de la même façon chez l'être humain, le professeur Wolf a cherché à bloquer cette ouverture grâce à une molécule alors peu connue : la fertiline.
- Notre stupéfaction, c'est quand on a mis la molécule au lieu d'une inhibition. C'est trois fois plus de spermatos qui rentraient à l'intérieur. Ça veut dire qu'on va améliorer la fertilité des spermes des hommes en leur mettant cette molécule avec. C'est comme ça qu'a été découverte la fertiline. Après plusieurs années d'études sur les souris pour mieux contrôler et comprendre cette molécule, les chercheurs ont découvert de nouvelles propriétés bénéfiques au processus de fécondation. La fertiline est enfin prête pour son test grandeur nature sur l'être humain. Cette molécule de fertiline a des qualités tout à fait multiples et on était même étonnés qu'elle ait tant de propriétés puisqu'elle permet d'améliorer des paramètres du mouvement du spermatozoïde et de le rendre plus fertile, plus fécondant. Ça améliore le développement de l'ovule et sa répartition des chromosomes. Ça améliore le développement embryonnaire in vitro et probablement le nombre de bébés à naître. Avec toutes ces manips et expérimentations faites depuis une vingtaine d'années, nous avons maintenant une molécule dont on a des résultats qui sont tout à fait extraordinaires, même carrément inespérés, car on n'avait jamais imaginé avoir ça. On va demander une autorisation de mise sur le marché de manière à en faire bénéficier le monde entier. Une autorisation qui pourrait survenir dès 2025 et permettrait de nettement améliorer les résultats des techniques d'assistance médicale à la procréation, dont les plus performances plafonnent à 30 % de bébés nés par transfert dans le monde.
- Avec la fertiline, on améliore probablement plus de 50 % le nombre de grossesses que l'on pourrait avoir par transfert. C'est les premiers résultats que nous avons eus récemment.
Une autre innovation technologique et médicale pourrait aussi redonner de l'espoir à de nombreux couples dans les mois qui viennent. Dans le laboratoire parisien du Dr Guy Cassuto, biologistes et ingénieurs en informatique mettent au point une machine alliant intelligence artificielle et micro robotique, afin de nettement améliorer la sélection des spermatozoïdes destinés à la procréation médicalement assistée, comme la fécondation in vitro ou l'insémination artificielle.
- Toutes les recherches ont été basées pour essayer de trouver un lien, pour faire comme si on avait un scan immédiat, et essayer de voir à l'intérieur de la tête du spermatozoïde quelle est la qualité de son ADN. Et donc ses liens de recherche nous ont permis de différencier les spermatozoïdes et de les classer différemment. Grâce à l'intelligence artificielle, tous ces paramètres ont été donnés à la machine par des algorithmes qui définissent d'une façon très précise cette morphologie corrélée à la qualité de cet ADN qui se trouve à l'intérieur. Vous voyez, là, on présente les différents spermatozoïdes à la machine qui travaille avec son intelligence artificielle, qui va classer les spermatozoïdes et les repérer. Ils sont tagués en rouge s'ils sont non conformes, et elle le tague en jaune quand la décision n'a pas été prise. C'est un spermatozoïde potentiellement de bonne qualité. Le système des algorithmes se met en route. Toute l'intelligence artificielle fonctionne et à partir du moment où elle évalue ce spermatozoïde correctement, il passe du jaune... au vert. On fait bouger la platine du microscope en sens inverse de la trajectoire du spermatozoïde, de façon à le maintenir au centre de l'écran. Et là, le système déclenche, avec un software, la venue d'une pipette qui se positionne, et qui va aspirer ce spermatozoïde. Ce qui fait intervenir encore autre chose : le fait de garder le focus de ce spermatozoïde qui peut nager à différents niveaux grâce à l'intelligence artificielle. L'aspiration se fera seulement quand le spermatozoïde sera isolé. (Car la pipette pourrait à ce moment-là en prendre plusieurs en même temps, et on aurait perdu tout le bénéfice de cette sélection). Nous avons fait quelques tests en interne déjà qui permettent de confirmer ce que nous avions, au départ à l'œil nu dans le laboratoire. C'est-à-dire un taux de fécondation bien plus élevé avec près de 24 % de plus d'ovocytes fécondés, ce qui veut dire plus d'embryons, et donc on augmente les chances d'obtenir une grossesse beaucoup plus rapidement.
Les défis que pose l'infertilité sont nombreux étant donné sa nature multidisciplinaire, mais les progrès scientifiques et médicaux offrent de nouvelles perspectives pour de nombreux couples en quête d'une grossesse.