Que pourrait-on faire si l’on disposait d’un doigt supplémentaire ? Quels changements cela impliquerait-il dans le cerveau ? Et tout le monde serait-il capable de se l’approprier ? C’est à ces questions que Dani Clode, designeuse et membre du laboratoire Plasticité cérébrale à l’université de Cambridge tente de répondre avec ce dispositif qu’elle a créé et appelé le 3e pouce. - Ça c’est mon troisième pouce, un pouce flexible, avec deux moteurs, dont un sur le poignet. Mon pied gauche déclenche ce mouvement, vers le haut et vers le bas et c'est proportionnel, donc je peux aller vite ou lentement. Et avec mon orteil droit, je peux ramener le doigt. Fabriqué par une imprimante 3D, ce 3e pouce est donc un dispositif sans fil contrôlé par deux capteurs situés sous les orteils et reliés au bras par une connexion Bluetooth. Dans une première étude, 36 participants se sont prêtés au jeu avec succès. Formés et entrainés pendant 5 jours au laboratoire, ils ont ensuite été encouragés à l’utiliser à la maison. Certains l’ont même testé les yeux bandés, sans difficulté pour le faire fonctionner. Les IRM du cerveau des participants, passées avant et après l’expérience, ont montré que l’exercice a entraîné des changements légers mais significatifs de la représentation de la main dans le cortex sensorimoteur alors même que celle-ci reste intacte chez des personnes nées avec 6 doigts fonctionnels ou ayant perdu l’usage de leur main ou leur membre. Dans une seconde étude conduite à l’été 2023, l’équipe a saisi l’opportunité d’une exposition de 5 jours à la Royal society à Londres pour donner à expérimenter le dispositif à un public large et varié et tester son appropriation. Sur les quelques 600 participants, âgés de 3 à 96 ans qui se sont prêtés à l’exercice, 98% ont réussi à utiliser le 3e pouce et à manipuler des objets dès la première minute. Avec des performances cependant moindres pour les enfants de moins de 11 ans et les personnes âgées. L’ambition des chercheurs est justement dans une prochaine étape de travailler avec des enfants ainsi qu’avec des personnes présentant des déficiences ou des handicaps moteurs. Quant à l’impact de ce dispositif sur le cerveau, seule une étude sur le long terme pourrait approfondir le sujet.