28 °C dans les eaux d’Alger, 29 °C dans celles de Corse et jusqu’à 31 °C au large de Palerme. Depuis le début de l’été, le thermomètre de la mer Méditerranée s’emballe. Il atteint des températures record, avec en moyenne 4°C de plus que la normale saisonnière.
Ces épisodes de chaleur, appelés canicules marines, sont liés au réchauffement climatique. Ils peuvent durer plusieurs jours à plusieurs mois, mais concrètement, qu’est-ce que c’est ?
Pascal Romans :
Souvent, c’est lié à une canicule terrestre, et donc on va avoir comme ça une augmentation de la température de l'air qui va se transmettre à l'eau et comme il n’y a pas de vent, et pas de brassage, les eaux plus profondes ne remontent pas en surface, elles ne se mélangent pas avec celles de la surface. Et on arrive comme ça à une stratification de la couche d'eau qui monte en température et cette stratification elle descend progressivement vers le fond jusqu'à toucher des zones où normalement la température de l’eau va être de l'ordre de 13-14°C et là on va pouvoir atteindre des fois des valeurs supérieures largement à 20°C.
Si le changement climatique provoque une montée graduelle des températures, les canicules marines, quant à elles, se traduisent par des pics de chaleur abrupts. Ces canicules sont aussi appelées « incendie sous-marin » car elles peuvent entraîner une véritable hécatombe de la biodiversité marine. En particulier des espèces dites fixées comme les éponges de mer, les gorgones ou encore les coraux.
Pascal Romans :
Pour ces espèces-là, qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont pas du tout habituées à ces vagues de chaleur très importantes, elles peuvent en fait supporter quelques variations de température, des variations légères mais pas des variations aussi fortes de plusieurs degrés. Et on va avoir donc dans un premier temps des perturbations de la croissance, de la reproduction, puis apparition de ce qu'on appelle des nécroses, c'est-à-dire carrément des tissus de ces animaux qui vont commencer à mourir jusqu'à arriver à la mort complète de l'animal.
C’est le troisième été consécutif où la Méditerranée subit des canicules marines. Avec, à la clé, des bouleversements des écosystèmes marins.
Par exemple, vers Perpignan, on observe de plus en plus de girelles paon. À l’origine, ce petit poisson vit dans les régions sud et orientale de la Méditerranée. Mais avec les fortes chaleurs, il remonte vers le nord. Puis lorsque l’hiver est doux comme cette année, les populations de girelle paon se reproduisent et donc s’installent dans ces nouvelles zones. Enfin, si les canicules marines perdurent, elles ouvrent la porte à des espèces exotiques envahissantes.
En 2019, le GIEC a classé la mer Méditerranée parmi les « hot spots » du changement climatique. En effet, elle se réchauffe environ 20 % plus vite que le reste du globe. Cela est dû à sa configuration.
Car la mer Méditerranée est fermée, avec peu d’échanges avec l’extérieur. En effet, elle ne possède que deux ouvertures. L’une vers l’océan Atlantique au niveau du détroit de Gibraltar. Et l’autre vers la mer Rouge, à travers le canal de Suez.
Mais qu’est-ce qu’on peut faire pour limiter les canicules marines ?
Il faudrait réduire la production des gaz à effet de serre qui s’accumulent dans l’atmosphère et qui la réchauffent. Car les mers et les océans absorbent jusqu’à 90% de cet excédent de chaleur. Néanmoins, la création d’aires marines protégées constitue un espoir.
Pascal Romans
Parce qu'une aire marine protégée, ce qu'il faut retenir, c’est qu'elle n’est pas là pour mettre sous cloche une zone, elle est là pour en protéger une zone, diminuer les pressions à l'intérieur de manière à ce que dans cette zone protégée, il y ait une reproduction qui soit optimale et qu'au travers de la dispersion des larves, de ces animaux qui se reproduisent, on puisse recoloniser les zones adjacentes
Dans ces zones, la pêche et le tourisme sont régulés. Les organismes marins subissent donc moins de pressions et sont plus aptes à résister aux canicules marines.
Mais la faune n’est pas la seule dimension impactée par le réchauffement de la Méditerranée. Car celui-ci influence également la météo.
L’évaporation accrue de l’eau de mer augmente l’humidité dans l’atmosphère. Cet air chaud monte en altitude puis refroidit : cela peut conduire à des précipitations brutales comme des orages ou de violentes tempêtes.