Début octobre, les intempéries dans les Alpes-Maritimes ont défrayé la chronique. Il s'agissait d'un des plus gros événements jamais mesurés par Météo-France en termes de pluies méditerranéennes sur le territoire métropolitain. À tel point que plusieurs médias ont parlé de tropicalisation de la Méditerranée. Qu'en est-il vraiment ? Quand on parle de tropicalisation du bassin méditerranéen, il faut bien savoir de quoi on parle. Si on parle de la mer Méditerranée elle-même, donc de la partie océanique du bassin méditerranéen, on peut parler de tropicalisation car on a des espèces de poissons tropicaux qui passent par le canal de Suez et qui envahissent la mer Méditerranée. Au départ, ce terme a été utilisé à ce propos-là. Pour dire que la mer Méditerranée devient accueillante pour des espèces de poissons tropicaux. C'est vrai que la mer Méditerranée en elle-même se réchauffe, sa température va devenir plus proche de celle de l'océan tropical. Je ne dirais pas qu'on parle de tropicalisation. Par contre, pour ce qui est du climat méditerranéen, parler de tropicalisation du climat méditerranéen, c'est un contresens. Parce qu'on est déjà allés et on va continuer à aller, avec le réchauffement climatique au 21ème siècle, vers un assèchement de cette zone. Donc une diminution en moyenne des précipitations. C'est plutôt une désertification qu'une tropicalisation. Il y a eu plusieurs études scientifiques récemment, dans les cinq dernières années, qui ont montré que ce type d'événements qu'on appelle les événements méditerranéens, ont subi une augmentation, autant en intensité qu'en fréquence. Les premières mesures fiables remontent aux années 1960. Depuis les années 1960, on pense que ce type d'événements rares sur le pourtour méditerranéen en automne, ont augmenté en intensité d'environ 20 %. Et leur fréquence a été multipliée par deux, depuis les années 1960 jusqu'à aujourd'hui, début du 21ème siècle. Pourquoi cette augmentation de 20 % en intensité, et le doublement des fréquences de ce type d'événements en Méditerranée ? La première chose à dire à propos du mécanisme, c'est que dans un air plus chaud, on peut mettre plus d'humidité. C'est ce qu'on appelle la relation de Clausius-Clapeyron. C'est une loi de la physique qui est très connue et qui s'applique en météorologie. Quant une atmosphère ou quand la planète se réchauffe, l'atmosphère peut contenir plus d'humidité, et donc, quand il pleut, il pleut plus fort. Ce qui est assez intéressant, c'est qu'il s'agit probablement d'un des seuls climats du monde, où, avec le réchauffement climatique du 21ème siècle, on s'attend à un assèchement en moyenne, c'est-à dire à une diminution de la quantité d'eau qui tombe sur la zone méditerranéenne en moyenne dans l'année. Mais, quand il pleut fort, une augmentation des extrêmes, potentiellement. C'est un peu un contraste entre un assèchement général et une augmentation des extrêmes. Il y a eu l'inertie du changement climatique. Ce qui crée le changement climatique d'origine anthropique, ce sont les gaz à effet de serre qui sont dans l'atmosphère. Et quand on les a émis, ils y restent pas mal de temps. Les gaz à effet de serre qui ont été émis dans les dernières décennies, sont ceux qui vont piloter en grande partie le changement climatique jusqu'à 2040-2050. Par contre, ce sont les gaz à effet de serre qu'on va émettre entre maintenant et 2050, qui décideront du climat de la fin du 21ème siècle. Un des impacts du changement climatique qui probablement va se prolonger le plus longtemps, donc au-delà de 2100, peut-être au-delà de 2200, c'est l'augmentation du niveau des mers. Parce qu'il va falloir beaucoup de temps pour que l'augmentation de la température dans l'atmosphère se transfère à l'océan petit à petit, dans toutes les couches profondes de l'océan. On va continuer à réchauffer l'océan même si on a stabilisé le climat de la terre. Même quand on aura stabilisé le réchauffement climatique à un ou deux degrés, les masses océaniques, et en particulier la Méditerranée, vont continuer à se réchauffer. Ce qui a une implication importante sur le niveau de la mer, parce que l'élévation du niveau de la mer, que ce soit en Méditerranée ou ailleurs sur le globe, est en grande partie liée à l'expansion de l'eau. Parce qu'une eau plus chaude tient plus de place. Et donc si on la chauffe, elle va prendre plus de place, et d'un point de vue humain, sur les côtes, on va la voir monter.