Le problème, il n'est pas : une bassine ou pas une bassine ? Le problème, il est : quelle agriculture, quelle grande technique agricole, on met en place sur un territoire dès lors qu'il est soumis à des risques de sécheresse estivale très importants ? La solution n'est pas unique et la solution n'est pas simple. Quelle doit être la réponse de l'agriculture à la crise climatique ?
La construction de 16 gigantesques retenues d'eau dans les Deux-Sèvres suscite de très vives tensions. Sur la base d'une étude d'impact, un avis favorable a été donné pour la construction de ces mégabassines. Mais les écologistes continuent de protester contre ce qu'ils considèrent être un hold-up sur la ressource.
On se base sur ce qu'on appelle une analyse fréquentielle à la fois des pluies et des besoins. Et on le fait à partir des statistiques climatiques, depuis longtemps. Si c'est possible, quand on a la chance, on a 50 ans. Le problème, c'est qu'avec le changement climatique aujourd'hui, ce qui était vrai sur les 30 ou les 50 dernières années risque fort de ne plus être vrai pour les 20 ou les 50 prochaines années. Tout ouvrage de stockage, quelle que soit sa forme, s'amortit compte tenu de son coût sur 40-50 ans.
Il est quand même assez difficile de prévoir la répartition des pluies, ce qu'il y aura dans le sous-sol, ce qui va couler dans les rivières en été, en hiver, etc. Et ce degré d'incertitude, il est d'autant plus élevé qu'on s'éloigne de la période actuelle. Et donc là, on est face à des incertitudes scientifiques. Est-ce qu'on est capable de dire aujourd'hui avec certitude que tel ou tel ouvrage va se remplir ? Bien malin qui peut le dire. On a des grandes tendances mais on prend de plus en plus de risques.
C'est une technique qui est connue, qui est millénaire. Ce n'est pas une technique qui a été inventée avec la modernisation de l'agriculture, avec l'engrais, avec la mécanisation, etc. L'irrigation fait partie de ces solutions à la sécurisation alimentaire sur un territoire. La difficulté, c'est d'en faire la seule solution mais aussi d'exclure cette solution. Ça fait donc partie des solutions possibles qui ne peuvent pas être envisagées toutes seules. C'est valable dans certaines situations et pas dans d'autres.
Ce sont des choses sur lesquelles on va être obligés de faire des paris. Il faut faire le pari là où ça paraît "le moins risqué" compte tenu de l'évolution climatique, de l'investissement qu'on doit faire sur l'ouvrage en question, et le moins risqué aussi parce qu'on a mis à côté toutes les autres solutions pour diminuer les besoins d'irrigation et pour répartir l'irrigation qu'on va faire sur le maximum de bénéficiaires.
Il faut être pragmatique et réaliste. Il n'y aura pas une solution pour faire face au changement climatique. Il n'y en aura pas une seule. C'est un ensemble de solutions.
La première des choses à faire, c'est de déterminer quels sont les systèmes de culture qui sont en place, quels sont les itinéraires techniques qui sont en place, et qu'est-ce que l'on pourrait faire pour atténuer au maximum les besoins en eau. C'est-à-dire remettre les pratiques agricoles au cœur des discussions avant de passer aux besoins d'irrigation.
C'est là qu'on peut se poser la question : est-ce qu'il faut qu'on mette "l'argent public" pour les accompagner dans un changement de système de culture plus adapté à leur environnement ou faire des bassines, des ouvrages de stockage dont le remplissage à terme, aujourd'hui, n'est pas garanti ?
Mais la première question à se poser, c'est : est-ce qu'on laisse du maïs alors que les besoins du maïs vont être du mois de juillet au mois d'août ? Est-ce qu'il n'aurait pas été préférable de faire une autre culture à une autre période que juillet-août ?