Et si, sur la simple analyse d’un échantillon d’eau, il était possible de recenser tous les poissons d'un étang, ou de retracer l'histoire de la biodiversité d'un lac sur des milliers d'années ? Et si, sur la collecte d’un peu de miel, on pouvait déceler toutes les plantes butinées par les abeilles d'une ruche. Cela vous semble fou ? Pourtant c’est possible, grâce à l'ADN environnemental, ou ADNe.
Jusqu’à présent, on savait que les humains abandonnent facilement un peu d’eux-mêmes sur leur passage. Il suffit d’une empreinte digitale ou d’un cheveu… Chez les autres animaux, c’est pareil. (images) On retrouve là de l’ADN, cette carte d'identité génétique unique, propre à chaque être.
Mais cette information peut aujourd’hui être débusquée grâce aux traces génétiques présentes dans un milieu : l’eau ou la terre. Et pour la première fois, deux équipes sont parvenues à démontrer qu’on pouvait aussi retrouver cet ADN environnemental dans l’air. Les scientifiques ont travaillé en parallèle, de manière indépendante, dans deux zoos européens, l’un en Angleterre, l’autre au Danemark. Elles ont utilisé deux techniques différentes pour filtrer l’air mais les deux ont permis de détecter un grand nombre d’espèce animales.
“On a utilisé un système de pompe qui aspire l'air à travers un filtre, et ce filtre est si fin qu'il peut capturer les particules d'ADN à sa surface.”(Elizabeth Clare)
Boa, paresseux, poisson guppy.. Mais aussi des animaux du coin, comme les écureuils roux ou les grands campagnols. Avec 40 échantillons, l’équipe de la professeur Kristine Bohman, de l’université de Copenhague, a identifié 49 espèces, aussi bien des mammifères, que des oiseaux et des amphibiens.
L’équipe anglaise menée par Elizabeth Clare en a trouvé 25.
“On a collecté de l'ADN à des centaines de mètres de sa source, même si l'animal était à l'intérieur d'un lieu clos. Comme on était dans un zoo, on sait où était chaque animal, et jusqu'à quelle distance on a récupéré son ADN. Le plus étonnant, c'est que certains animaux ne sortaient pas de bâtiments fermés, inaccessibles au public, pour des raisons de santé. Et pourtant, leur ADN s'échappait des murs.”
Cette méthode d’analyse pourrait être révolutionnaire. Pour identifier des espèces, on utilise habituellement des caméras, après avoir étudié les habitudes des animaux, ou des observations en personne, parfois en collectant des spécimens. Mais ces techniques de recensement sont longues, coûteuses, et requièrent beaucoup de mains d’œuvre.
Or la biodiversité reste encore très mal connue : plus de 86 % des espèces terrestres et plus de 90 % des espèces marines attendent encore d'être découvertes ! Et les connaitre est essentiel pour alerter sur l’arrivée d’une espèce invasive, protéger des zones clés où vivent des animaux en voie de disparition, ou surveiller les changements liés au changement climatique.
“On a désespérément besoin de manières de surveiller les espèces à l’échelle planétaire. Et on pense que ce qu’on a fait peut être reproduit dans des lieux reculés, difficile d’accès. Mais ça pourrait aussi servir à des analyses judiciaires avec l’ADN humain, ou alors pour identifier des microbes, ou des pathogènes. Ce qui serait utile pour retracer la transmission de maladies infectieuses ou d’allergènes, par exemple.”