Curcuma, gingembre, cannelle. Des épices dont le nom réveille les papilles. Utilisées pour préparer du curry, elles auraient été introduites en Asie du Sud-Est continentale, il y a environ 2 000 ans, probablement en provenance d’Inde. C’est ici, à Óc Eo, dans le sud du Vietnam, que les archéologues ont concentré leurs recherches. Par chance, cette zone était gorgée d’eau, ce qui a contribué à préserver les vestiges végétaux. Les archéologues ont ainsi pu déceler les premières preuves connues de la préparation de curry. Notamment sur cette plaque de broyage, quasi-intacte, retrouvée dans le sol boueux de l’ancien village. Les chercheurs y ont découvert plusieurs traces microscopiques de matière végétale, dont un grand nombre de grains d’amidon. Des restes également identifiés sur d’autres outils du site. En étudiant ces grains au microscope et en les comparant à plus de 200 espèces, l’équipe a pu identifier, avec certitude, 8 épices différentes. Parmi lesquelles le curcuma, le gingembre, le clou de girofle, la cannelle et la noix de muscade. Dont la plupart proviennent de lieux bien identifiés : l’Inde, le Sri Lanka et l’est de l’Indonésie. Grâce à la datation au car bone 14, les chercheurs ont aussi découvert qu’un charbon de bois trouvé légèrement en-dessous de la grande pierre meulière remontait à une période comprise entre l’an 207 et 326 (après JC). Et qu’une noix de muscade bien conservée datait, elle, d’une période comprise entre 120 et 248. Ils estiment ainsi que la fabrication de curry dans cette région remonte au 2e siècle de notre ère. Mais ils espèrent affiner encore cette datation en étudiant la couche la plus basse du site. En conclusion, l’équipe d’archéologues pense que ce type d’outils en pierre, comme la plaque de broyage en meulière, ont été introduits en Asie du Sud-Est par des migrants ou des voyageurs venus d’Asie du Sud. Avec eux, les recettes de curry et quelques nouvelles épices. Ces données confortent l’idée, émise dès 1940, que la ville portuaire d’Óc Eo était au cœur des échanges commerciaux au début de notre premier millénaire.