Avez-vous déjà remarqué que, selon la saison, les cartes météo affichent parfois les mêmes températures, mais avec des couleurs différentes ? Vous avez peut-être l’impression de voir de plus en plus rouge ?
- Les journaux télévisés d'il y a 20 ans et les journaux télévisés aujourd'hui, pour les mêmes températures, les couleurs utilisées sont différentes. Mais est-ce que c'est vrai ? Et sur quoi se base ce genre de théories ? Pourquoi sont-elles si populaires sur les réseaux sociaux ? On peut retrouver quelques mécanismes récurrents très trompeurs : Par exemple, pourquoi ici un des fonds de carte est rouge et l’autre bleu, alors que les températures se ressemblent ? Parce que 15 degrés pour un mois de décembre, c'est très chaud. Contrairement à 14 en juin. Ici les couleurs des fonds de carte correspondent en fait souvent à l'écart entre la température prévue et la température moyenne habituelle (ou normale saisonnière). Au-dessus, ça tire vers le rouge, en dessous, vers le bleu. Les normales ne sont pas les mêmes selon les saisons, ou les mois. Et avec le réchauffement climatique causé par l’homme, les écarts sont de plus en plus grands et de plus en plus fréquents. Mais alors, c'est quoi une normale saisonnière ?
- Ce sont des moyennes sur les 30 dernières années, des variables météorologiques comme la température, la pluie, le vent. Les gradients ont plutôt tendance à sous-estimer le réchauffement. Des chaines comme BFM ou TF1 se réfèrent à la période 1990-2020, donc à un climat déjà déréglé. - Si on veut voir l'effet du changement climatique, l'idéal est de comparer à des normales qui correspondent à l'époque pré-industrielle. Plus on prend une période récente, moins on va voir l'effet puisque la normale calculée sur les 30 dernières années est déjà affectée elle-même par le changement climatique. On a donc vu que certains montages sur internet mentent en jouant sur les saisons. Mais il y a d’autres manières de tromper le public. Celle-ci par exemple, qui prétend montrer qu’à la même période de l’année, 16 degrés serait présenté comme plus chaud en 2025 que 30 degrés en 2005. Et on a retrouvé la carte présentée comme catastrophiste malgré des températures plus basses. Il s'agit bien d'une carte de juin, mais du matin. Car oui, les températures sont en moyenne plus basses le matin. On va regarder un autre mécanisme répandu : comparer l'incomparable. Avec une recherche d’image inversée, on retrouve une carte de LCI et une autre de RMC Or, les couleurs de fond de carte ne sont pas universelles. C'est un choix de charte graphique qui appartient à chaque chaine. C'est leur identité visuelle, comme le zonage chez TF1 ou le dégradé chez BFM. Chez d’autres, les couleurs indiquent juste la zone la plus froide et la plus chaude de la journée. Pour autant, on pourrait accepter de se demander si les chaines accentuent progressivement chaque année leur colorimétrie pour rendre le rendu plus dramatique. Alors, on a regardé dans leurs archives. Et voilà, en juin 2016, même dégradé. Par contre, il y a eu il y a 10 ans un changement d’identité pour gagner en lisibilité. Chez TF1, c'est simple, rien n’a changé depuis les années 2000. Sur des sites comme Infoclimat ou Meteoexpress, rien n’a changé depuis plus d’une décennie. Enfin si ! Avant, les anciennes légendes s’arrêtaient avant 40 °C. Avec l’apparition de valeurs extrêmes sont apparues des couleurs supplémentaires. Mais le reste des couleurs associées aux températures n’ont pas bougé. Mais alors, pourquoi le rouge ? Certains persistent et signent que c’est pour faire peur, en comparant par exemple avec ce point météo d'Antenne 2 de 1983 que l’on a retrouvé. Or à l’époque la connaissance scientifique et la technique n’étaient pas la même. Les fonds de carte étaient magnétiques et ne changeaient pas tout au long de l'année. Pour rappel, quand il fait plus chaud, les cartes tirent vers le rouge, et quand il fait plus froid, les cartes tirent vers le bleu. Et ça, c’est un code couleur universel que les météorologues n’ont pas inventé. Comme la couleur sur le robinet n’est pas là pour faire peur. Bon, mais quand on étudie tout ça, on remarque que ces contenus viraux reviennent à chaque canicule. On retrouve des montages similaires ailleurs en Europe avec des publications virales mélangeant différentes cartes météo en suède ou en Allemagne. Et s’il y a des interrogations qui sont légitimes, on a vu qu’on retrouvait souvent à l'origine des montages manipulateurs. Leur but ? Semer le doute sur la réalité du changement climatique. Il s’agit parfois d’en minimiser l’ampleur, ou de dire qu’il n’est pas causé par l’Homme. Alors, au cas où, on vous le rappelle, on sait que c’est en raison des gaz à effets de serre émis par l’Homme que le climat se dérègle. C’est ce qu’on appelle le climatodénialisme. Mais à quel point c’est répandu sur les réseaux sociaux en France ? En 2025, c’est dur de le savoir, puisque que les plateformes de Mark Zuckerberg et d’Elon Musk ont arrêté de collaborer avec les journalistes et les académiques. Mais entre 2016 et 2023, des chercheurs du CNRS ont étudié les débats sur le climat sur le réseau social Twitter, ou X.
- On a pu observer cette explosion du climatodénialisme au moment de la guerre en Ukraine, puis surtout au moment de la grande canicule de l'été 2022. On voit bien qu'on a toute une mouvance en ligne, qui vise à faire du déni par rapport aux sciences et plutôt creuser des terrains de division au sein de la population française, Et ces contenus sont repris ensuite par des dizaines de milliers de personnes, sur Tiktok, sur des médias, et même par des députés. Alors on peut se demander ce qui pousse des comptes à créer ces fakes.
- La première motivation, c'est tout simplement essayer de retarder la mise en œuvre des mesures climatiques. Certains de ces comptes, on sait qu'ils ont été financés par les industries fossiles, mais aussi par exemple, ceux qui soutiennent le bitcoin, qui a aussi une industrie gourmande en énergie. Après, vous avez des motivations politiques. Donc surtout des comptes liés aux franges d'extrême droite ou très conservatrices qui dénigrent leurs adversaires politiques. Et puis vous avez des motivations qui sont géopolitiques. C'est-à-dire qu'on sait que des états comme la Russie, mais aussi la Chine ou l’Iran ou certains états pétroliers peuvent vouloir intervenir sur l'espace informationnel français pour créer de la division et de la polarisation au sein de la société française, Alors pourquoi ces contenus sont aussi viraux ? - Les réseaux sociaux donnent une prime au contenu sensationnel, notamment sur X, c'est ce qu'on a pu démontrer. Et souvent les climatosceptiques s'expriment en disant "c'est un scandale", "c'est un complot". Donc ce genre de contenu va être mis en avant. Et puis, il y a des mécanismes cognitifs qui font que l’on a envie d’y croire.
- Il est important, quand on étudie le réchauffement climatique, de toujours regarder les statistiques, parce que la perception humaine peut être faussée. Sur les 50 ans avant l'an 2000, il y a eu 17 vagues de chaleur et depuis 2000 sur 25 ans, il y en a eu 32. D'ici 2050, on prévoit qu'il y aurait 5 fois plus de jours de vagues de chaleur qu'actuellement. Les 5 années les plus chaudes jamais enregistrées l'ont été depuis 2016 En résumé, la couleur des cartes météo n'est pas là pour faire peur, mais pour rendre plus clair la réalité d’un climat qui change, très vite. Si vous avez d’autres interrogations sur des contenus passés sur les réseaux sociaux, que vous voulez qu’on investigue, dites-le-nous en commentaire.