Ce sont des ondes gravitationnelles qui sont émises par des monstres. ll s’agit de trous noirs doubles qui ont des milliards de masses solaires qui sont au centre de galaxies. Et c’est ces trous noirs doubles, ces monstres qui font des déformations de l’espace-temps qui vont se propager sur des milliards d’années, que l’on va pouvoir détecter par des pulsars depuis la Terre. - C’est une avancée majeure :le réseau scientifiquePulsar Timing Arrayvient de révéler avoiridentifié des distorsions spatialesdues à l’interactionde trous noirs supermassifs.Ce qui signifie qu’ils ontpu percevoir l’universbouger sous l’effet de ce que l’onappelle des ondes gravitationnelles. - C’est Einstein qui, au début du 20e siècle, a complètement révolutionné la façon dont on pensait la gravitation : elle agit parce que ce sont les masses elles-mêmes qui vont déformer l’espace, et c’est parce que l’espace est déformé que les autres objets vont se déplacer dedans, non pas en ligne droite mais en suivant ces déformations. Il faut des masses qui sont en accélération, c’est-à-dire qui bougent en augmentant leur vitesse, et quand il y a cet effet d’accélération de grosse masse, vous avez une déformation de l’espace-temps, donc vous avez vraiment l’espace qui se contracte et qui se dilate. Alors, si vous avez une règle dans cet espace, la règle va bouger avec, donc cette déformation n’est pas forcément facile à mesurer, mais il y a des moyens. Les premières vraies idées et les premiers concepts datent de la fin des années 1980, début des années 1990. Il faut vraiment que la technologie permette une réception et une mesure précise des temps d’arrivée. Je dirais qu’au début des années 2000, la plupart des grands radiotélescopes européens et mondiaux commencent à faire des mesures précises, 2004 pour nous, à Nançay. Et donc vont se constituer des collaborations par continent. Dans la collaboration européenne, le principal contributeur en termes de quantité de données, c’est le radiotélescope de Nançay, dont je m’occupe. C’est une grande antenne, équivalente à un télescope de 100 m, qui est située dans le Cher. Et avec cet instrument-là, on a fait, depuis 2004-2005, plusieurs dizaines de milliers d’observations sur quelques dizaines de pulsars, dont certaines qui sont excellentes, sur lesquelles on a une précision de l’ordre de quelques dizaines de nanosecondes. Cette étoile à neutrons, elle a en général un champ magnétique et ça fait comme un phare au bord de la mer : au niveau du champ magnétique s’échappent des faisceaux radio, les faisceaux radios balaient l’espace et à chaque rotation de l’étoile, quelque part dans l’univers, si le radiotélescope pointe dans cette direction-là, on reçoit une impulsion radio à la vitesse de rotation de l’étoile. Et comme ce sont des objets très massifs, très compacts, la rotation est très stable. Les pulsars sont tellement stables que vous mesurez précisément l’instant d’arrivée des impulsions. Et si vous voyez que les impulsions ont tendance à arriver plus rapidement, c’est que le pulsar a accéléré ou qu’il s’est rapproché par exemple. Et inversement, si les impulsions arrivent en retard, c’est qu’il s’éloigne. Donc, de cette façon-là, on va pouvoir avoir un traceur de la variation de distance entre nous et le pulsar. Les ondes gravitationnelles que l’on est capables de détecter avec cette technique de la chronométrie de pulsars ultra-stables, ce sont des ondes gravitationnelles qui sont émises par des monstres. ll s’agit de trous noirs doubles qui ont des milliards de masses solaires qui sont au centre de galaxies. Ce sont des galaxies qui ont fusionné, parce que généralement, les galaxies ont un trou noir en leur centre, mais si deux galaxies fusionnent, chacune amène son trou noir et ça fait un trou noir double. Et c’est ces trous noirs doubles, ces monstres qui font des déformations de l’espace-temps qui vont se propager sur des milliards d’années, que l’on va pouvoir détecter par des pulsars depuis la Terre. Avec les ondes gravitationnelles, on va pouvoir cartographier la répartition des masses dans l’univers et en remontant dans le temps, et sans qu’il y ait aucun effet qui gêne véritablement, puisque c’est vraiment l’espace-temps qu’on sonde. Ce que l’on voit dans les données, dans chacune des collaborations, américaine, européenne, australienne, c’est ce bruit qui a une certaine couleur, en quelque sorte. C’est-à-dire que le bruit n’a pas la même intensité selon la fréquence de l’onde électromagnétique que l’on regarde, quelque part, il y a des couleurs en ondes gravitationnelles comme il y en a en ondes électromagnétiques. Et on trouve aussi la corrélation spatiale, c’est-à-dire que si on prend deux pulsars qui sont séparés d’un certain angle, on a la bonne quantité de bruit que l’on retrouve dans l’un et dans l’autre, la corrélation est à la bonne valeur. Donc il y a deux indications, et chacun des groupes voit ça avec des données qui sont complètement indépendantes. Donc même si chacune des mesures n’atteint pas la barre canonique de 5 sigma, c’est-à-dire que ça sort à peine du bruit mais pas assez pour que ce soit estampillé « découverte scientifique », on est juste en dessous, les trois collaborations voient la même chose indépendamment, avec des jeux indépendants. Donc la prochaine étape, qui sera dans l’année qui vient, ce sera de prendre les données de chacune de ces collaborations, de les mettre ensemble et là, c’est quasi sûr, le niveau de détection va atteindre les 5 sigma.