À Boigneville, dans l'Essonne, au milieu des champs, se trouve un site particulier. Vous êtes sur une station expérimentale d'Arvalis, un institut de recherche appliquée en grandes cultures. Les digifermes sont une initiative de l'institut qui a vu en 2015-2016 émerger beaucoup de start-up agricoles qui proposaient des services, des outils. Donc on a décidé de lancer ce beau projet des digifermes. L'objectif étant de vérifier que les technologies proposées aux agriculteurs soient intéressantes pour eux. C'est très important qu'on puisse, en tant qu'institut de recherche, tester ces technologies, donner un avis, les améliorer si on pense qu'elles ont un avenir chez les agriculteurs, voire les co-construire, voire les inventer. On travaille plus particulièrement sur la digiferme de Boigneville, sur toutes les innovations du numérique, de l'agriculture numérique. Ça peut aller de tests de capteurs dans les champs... On va travailler sur tout ce qui est circulation de la donnée sur une ferme. On va tester également toutes les innovations qu'on peut trouver sur les machines existantes, les tracteurs, par exemple. On va aussi travailler sur les robots. Donc c'est un vaste domaine de recherche et on espère que ces innovations pourront contribuer à améliorer la multiperformance des fermes françaises. Performance ! Mais n'implique-t-elle pas l'utilisation de traitements néfastes pour l'environnement ? On a aujourd'hui la possibilité d'intervenir au bon endroit au bon moment, selon les réels besoins de la plante. Énormément de progrès ont été faits et il y aura de gros progrès à venir soit dans les alternatives, on voit arriver des robots bineurs, on voit émerger des solutions de désherbage électrique, et on voit aussi de nouveaux matériels qui nous permettent de mieux localiser tout ce qui doit être apporté au niveau de l'agriculture. Que ce soit pour les engrais, les produits phytosanitaires ou l'eau. Donc on va vers une meilleure efficience des pratiques grâce à ces technologies, au profit de pratiques plus respectueuses de l'environnement. Au niveau de la digiferme de Boigneville, nous testons notamment des stations météo connectées. La météo étant vraiment quelque chose de très important pour les agriculteurs. Cette météo va leur permettre de programmer au plus juste leur intervention. Les sources de données sont multiples : on a Météo France bien sûr, c'est la structure nationale qui a le plus de stations. On a des partenariats avec l'INRAE, des chambres d'agriculture, des associations météorologiques, parfois des particuliers. On installe nos propres stations dans nos sites d'expérimentation, car on veut connaître avec précision l'information météo sur notre site. On a le "réseau institutionnel" utilisé au sein d'Arvalis. Et dans le cadre des digifermes, on a également évalué des stations météo-connectées qui sont apparues il y a 3 ou 4 ans, avec l'avènement des réseaux bas débit. Cela permet à l'agriculteur de pouvoir connaître avec précision les conditions météorologiques au niveau de sa parcelle. Ici, vous avez toutes les stations qui constituent le réseau Arvalis, plus celles de quelques partenaires. Si vous zoomez ici, vous avez la station de Boigneville. Quand vous cliquez sur la station, vous avez la possibilité de voir les données météo affichées : pluviométrie, températures en temps réel. Avec le côté cartographique, on passe aisément d'une station à l'autre et avoir une vision panoramique de l'information. Aujourd'hui, quotidiennement, on récupère 800 stations sur la France, sachant qu'on est grandes cultures, on va surtout se concentrer sur les bassins de production céréaliers. L'information météorologique a encore plus de valeur si on la couple avec un outil d'aide à la décision pour bien conseiller l'agriculteur. Par exemple : puis-je mettre de l'azote pour qu'il soit bien valorisé ? Si j'applique ce produit aujourd'hui, cela protègera-t-il bien ma culture ? Tout ça, c'est l'information finale aujourd'hui indispensable à l'agriculteur et que ce dernier attend. Ces stations météo-connectées sont accessibles via nos smartphones : l'information tombe toutes les 15 minutes. Vous avez donc un suivi météorologique qui est relativement fin. Puis après, certains OAD sont accessibles via nos smartphones et envoient des alertes, des SMS. Donc quand un seuil est atteint, l'agriculteur abonné va recevoir un sms : "Attention, telle action est nécessaire sur votre parcelle pour votre culture." Là, vous avez accès à une sortie d'un outil d'aide à la décision pour le pilotage de la gestion de l'eau sur une culture. Ici, on est sur du blé tendre et grâce à l'intégration de données météo, on va voir ici le déficit en eau du sol. En fonction du stade de la culture, vous allez avoir la culture qui est en déficit, qui a besoin d'eau. Donc ça évite d'apporter de l'eau quand on n'en a pas besoin. Les agriculteurs doivent pouvoir accéder et exploiter aisément les données. Aujourd'hui, en pommes de terre, on commercialise surtout l'outil mileos qui permet de lutter contre le mildiou, une maladie assez pénalisante pour tout ce qui est rendement. Et en fait, l'outil a besoin d'une des données météo au plus près de la parcelle plus des données agronomiques, et il va proposer à l'agriculteur une date de traitement : "Compte tenu des conditions météo et du développement du champignon, aujourd'hui, il va falloir les traiter pour éviter que l'épidémie se propage dans ta parcelle." Ce n'est pas encore du télé-travail, mais c'est un progrès. L'idée, c'est de pouvoir être efficace, de gagner du temps, de préserver l'environnement et de répondre à des attentes sociétales en faveur d'une agriculture plus raisonnée. C'est ce que l'agriculteur cherche de plus en plus à appliquer. On a toujours l'image de l'agriculteur avec un béret, une baguette, des bottes, mais en fait, il est féru de technologie, et de plus en plus diplômé. Et avec toutes les nouvelles technologies depuis les années récentes, il est toujours le premier à accepter de tester une innovation pour voir comment ça peut l'aider au quotidien dans son activité. Nous avons consulté un agriculteur. J'utilise des outils d'aide à la décision pour m'accompagner dans mes interventions sur la culture de pommes de terre. À partir d'une application de smartphone, on détermine des seuils d'alerte qui vont nous indiquer quand les traiter et avec quels produits. Avant, on n'avait pas de repères, on suivait certains éléments et on travaillait de manière systématique. Alors que là, on intervient au bon moment. Avant, on intervenait une dizaine de fois pour des protections fongiques. Et l'an dernier notamment, on est intervenus environ 5 à 6 fois. Ça nous a permis aussi de tester des nouvelles variétés de pommes de terre ainsi que leur tolérance au mildiou. Il s'agissait d'une variété utilisable en agriculture biologique. Ça permet aussi aux consommateurs d'avoir des pommes de terre de qualité et abordables. Pour avoir des productions bonnes et en quantité, il faut une protection raisonnée. J'envisage d'utiliser d'autres outils, notamment pour piloter l'irrigation. Actuellement, en matière d'irrigation, on agit de manière systématique, et j'envisage de mieux piloter l'irrigation sur mon exploitation par rapport à la réserve utile de nos sols et aux types de cultures en place. Donc vous êtes un agriculteur high-tech ? On s'intéresse à ces nouvelles technologies qui nous aident face à des problématiques auxquelles on est confrontés. Avant, on regardait le temps qui faisait. On avait de grandes notions de prévision. On avait tendance aussi à cultiver en fonction de dictons et des saisons. Aujourd'hui, on est passé quand même dans un autre monde. Sachant qu'il faut avoir en tête ce fameux changement climatique, on va devoir s'adapter beaucoup plus vite et on sait que les variations seront beaucoup plus grandes, donc intégrer de la donnée météo dans le pilotage de la ferme sera de toute façon nécessaire pour essayer d'anticiper et limiter les impacts du changement climatique. On ne pourra pas tout faire, mais ça nous donnera une solution, une brique de solution.