Je suis italienne. Je suis indien. Je suis espagnol. Je suis allemand. Je suis iranienne. Je suis italien, de Sicile pour être précis. Bienvenue au CERN, laboratoire européen pour la physique des particules, qui s’étend de part et d’autre de la frontière franco-suisse, non loin de la ville de Genève. Ici, 2 500 ingénieurs et techniciens œuvrent quotidiennement au bon fonctionnement de cette gigantesque machine. Et 15 000 physiciens, de plus de 100 nationalités différentes, y scrutent des collisions de particules pour mieux comprendre la nature et le comportement de la matière qui compose notre Univers. Il faut bien comprendre que le CERN, c’est l’accélérateur de particules le plus puissant au monde. Il n’y a pas d’équivalent dans le monde. Donc c’est vraiment le Graal de la physique des particules. Le mieux avec le CERN, c’est que c’est super international, vous avez l’opportunité de rencontrer de nouvelles personnes chaque jour. C’est un endroit génial, au plus près de la physique des particules et des expériences. Chaque jour on a de nouvelles discussions, de nouvelles idées aussi. C’est vraiment ce dont nous avons besoin pour relever les challenges qui s’offrent à nous. Nous avons besoin des idées et de l’esprit critique de tout le monde pour identifier les problèmes avant de passer à l’action. La première proposition de créer cet endroit a été faite par la France en 1946, aux Nations-Unies. Tout de suite après la Seconde guerre mondiale. Des centaines d'invités illustres représentant la science et les gouvernements d'Europe et d'Amérique sont venus voir ce grand briseur d'atomes trois fois plus puissant que ceux qui existent aux Etats-Unis. Pour les physiciens, c’était un moyen de reconstruire la physique. Pour les diplomates, c’était un moyen pour construire une Europe fédérale. Le CERN a voulu construire le plus grand tunnel possible, car plus le tunnel est grand, plus puissant est l’accélérateur qu’on peut mettre dedans. C’était le plus grand projet de construction en génie civil en Europe à cette époque. C’était avant le tunnel sous la Manche. Donc franchement, c’est extraordinaire ce que ces équipes ont réussi à faire. C’est donc dans un anneau de 27 km de circonférence, creusé dans la roche, que se trouve le collisionneur L.H.C. C’est là que des paquets de protons, accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière, circulent et entrent en collision – environ 40 millions de fois par seconde – au niveau de quatre immenses détecteurs. L’objectif de ces collisions ? Tenter de donner naissance à de nouvelles particules, encore inconnues des physiciens. Ça c’est le trombinoscope de CMS, Voilà, j’étais là il y a quelques années. J’espère que je n’ai pas trop changé. Ici nous sommes dans l’ascenseur qui va nous emmener dans la caverne de CMS, donc 100 mètres sous terre. Il faut bien comprendre qu’on est comme dans une mine donc c’est pour ça qu’on a des casques. Au cœur de notre détecteur, une équation fondamentale régit un peu tout ce que l’on fait, c’est une équation qui est bien connue du grand public, E = mc2. Tout simplement parce que les collisions que l’on génère au cœur de ce détecteur produisent une énergie, une densité d’énergie importante, donc c’est le « E » de l’équation. Et ce « E » nous donne de la matière, des nouvelles particules, le « m » de l’autre côté. E = mc2. Ces nouvelles particules, elles sont vraisemblablement fugaces et elles se désintègrent en particules connues. Donc ce sont ces reliquats de désintégrations, qui sont au milieu du bestiaire de toutes les autres particules, qu’on essaye d’isoler et de reconstruire. On se dit « ah, peut-être qu’ici les muons, les photons et les électrons que je détecte sont issus d’une nouvelle particule. Car dans l’Univers, tout est fait de particules. Mais qui sont-elles ? d’où viennent-elles ? Et quelles sont les lois qui régissent leur comportement ? Voilà quelques-unes des questions que les physiciens du CERN tentent de résoudre. Je travaille sur l’origine de l’Univers, comment il s’est formé et les particules qui le composent. Je m’intéresse à de passionnantes questions sur l’Univers primitif telles que l’origine de l’asymétrie de la matière. Je mesure les propriétés du boson de Higgs. Je travaille sur le boson de Higgs, en particulier le boson W. C’est justement grâce à l’accumulation de milliards de collisions au sein des détecteurs CMS et Atlas qu’a été découvert l’un des constituants fondamentaux de la matière visible de l’univers : le boson de Higgs. Il faut rappeler que le boson de Higgs a été imaginé, au départ, par M. Higgs et ses collègues dans les années 60. Donc ça fait longtemps qu’on le recherche ce boson de Higgs. Et c’est finalement grâce au fait qu’on puisse s'associer tous ensemble, travailler tous ensemble, émettre des hypothèses qui soient différentes et les explorer, qui a fait que l’on a convergé vers cette découverte en 2012. On avait un but en commun, donc on a vraiment appris à travailler ensemble. C'est vraiment un atout, c’est remarquable. Cela montre ce que l’humanité peut faire quand on décide de travailler ensemble. Et tandis qu’ingénieurs et techniciens travaillent déjà sur la prochaine génération de machines – avec plus de protons en circulation, des aimants plus puissants pour guider les faisceaux de particules et des ordinateurs capables de trier et traiter encore plus de données – les physiciens rêvent aux découvertes de demain. Tout reste à découvrir. C’est ça la magie de cette science. Tout d’abord le boson de Higgs. On l’a découvert mais on ne le connaît pas encore très bien. Il va falloir le comprendre. C’est comme lorsqu'on a découvert le continent américain. La découverte c’est le premier pas avant une exploration plus complète. Et par ailleurs, 95% de l’Univers nous est inconnu. On aimerait trouver la matière noire qui est prévue par la théorie, et qui en est encore une brique manquante. Et ça c’est vraiment une grosse partie de la matière de l’Univers, mais nous ne savons pas encore de quels types de particules elle est faite. Je pense que ce n’est pas une exagération de dire que le monde moderne repose sur les deux grandes théories de la physique du XXe siècle : la mécanique quantique et la relativité. La mécanique quantique gère tout ce qui est électronique : sans mécanique quantique, mon téléphone portable ne marcherait pas. Et c’est grâce à la relativité que le GPS fonctionne par exemple. Mais ces deux théories ne sont pas compatibles. Donc trouver une réconciliation entre les deux, c’est un des grands défis pour la physique dans l’avenir aussi. J’espère qu’on découvrira quelque chose d’enthousiasmant bientôt. Mais c’est difficile à dire. On voudrait bien savoir, mais c’est le propre même de la découverte : on ne sait pas ce que l’on va trouver avant de le trouver.