J’ai beau être un artiste qui utilise des phénomènes invisibles à l’œil nu dans l’unique but de philosopher, il y a des fois où la science me rattrape bien malgré moi.
Pour parler du bonheur, j’ai entrepris de figer le moment où ce bouchon sortira de cette bouteille de vin effervescent. Rien de compliqué : j’ouvre encore une fois dans le noir mon obturateur, et l’appareil photo ne récupérera que la lumière de ce flash, déclenché automatiquement grâce à ce micro.
Sur l’image, un curieux nuage bleu. Certains crient au trucage, mais moi je ne peux pas, je sais que je n’ai pas triché. Alors comment l’expliquer ?
J’abandonne donc mon appareil photographique au profit de cette caméra rapide. Point de flash ici, mais des projecteurs de cinq mille et même dix mille watts pour figer tout l’événement à 2 500 et même 10 000 images par seconde.
Humidité de l’air givrant en cristaux de glace lors de la détente rapide de la pression ? Minuscules gouttelettes de condensation qui ne renverraient que le bleu de la lumière blanche ? Personne n’est sûr, alors même que des chercheurs étudient la phénoménologie des vins effervescents depuis des années…
Qu’à cela ne tienne, une journée de prise de vue fut organisée avec le CNRS de Reims pour étudier plus en avant ce qui s’apparente à une découverte. 29 bouteilles de champagne ont été ouvertes devant la caméra ce jour-là… Une fois n’est pas coutume, Capillotracté ? aura eu sa contribution aux sciences dures !
Et cinq nouveaux phénomènes répertoriés. Comment une onde de choc sort de la bouteille, comment ce goulot se comporte comme un tuyau d’orgue… Et l’interface liquide gaz qui explose de joie… Et enfin, comment les bulles apparaissent comme des feux d’artifice. Serait-ce l’origine du côté festif de ce vin ? Mais à quoi bon toutes ces gerbes, on ne saoule pas au CNRS ! Et de toute façon, on ne changera pas la recette millénaire du champagne pour autant !
Et alors ?
C’est comme si le progrès était l’opium du peuple ! On s’adonne à la science afin qu’elle repousse les limites du monde, afin d’améliorer notre condition. Mais le bonheur n’est atteignable que si nous acceptons les limites de nos vies. Une fois fait le deuil d’une liberté absolue, chaque instant de vie peut alors devenir une véritable célébration.
Et vous, qu’imaginez-vous ?