Pluies et inondations sur le continent américain, sécheresses et canicules en Asie du Sud-Est… Il fait sec là où habituellement le temps est humide et inversement. C'est El Niño, un phénomène météorologique naturel que le changement climatique pourrait bien rendre redoutable à tel point que les cinq prochaines années risquent d'être les plus chaudes jamais enregistrées. El Niño nait dans la zone équatoriale de l'océan Pacifique. Habituellement orienté vers l'ouest, un puissant courant d'eau bascule vers l'est. Résultat : les eaux de surface se réchauffent au large du Pérou et de l'Équateur. Dans ces pays, de très fortes précipitations s'abattent et à l'autre bout de l'océan, en Océanie notamment, un climat plus sec fait rage. Lauriane Batté, climatologue, détaille la portée du phénomène.
Les conséquences d'un événement El Niño à l'échelle du globe restent principalement concentrées au niveau du bassin équatorial Pacifique mais peuvent se propager à l'ensemble de la ceinture tropicale en termes de température moyenne. Et El Niño peut avoir une empreinte sur l'atmosphère et donc avoir une influence sur des régions plus éloignées de la zone du Pacifique équatorial, comme en Amérique du Nord, en Australie ou en Indonésie par exemple.
En Europe, les effets d'El Niño sont sans doute plus indirects. Ils seraient tout de même corrélés à des températures légèrement plus élevées en France métropolitaine. Mais pourquoi en parle-t-on maintenant ? Depuis quelques mois, le risque d'un Niño 2023 se confirme. Pour l'instant, on ne peut pas être sûrs à 100% que cet événement va effectivement se développer d'ici la fin de l'année. Ce que l'on constate actuellement, c'est un réchauffement des températures de surface de la mer sur le Pacifique équatorial. Par contre, il reste à l'atmosphère de s'ajuster et au phénomène de réellement se mettre en place. Actuellement, on estime qu'il y a 80% de probabilité pour qu'un tel événement ait lieu d'ici à la fin de l'automne. Et ce nouveau Niño pourrait être particulièrement sévère car désormais El Niño combine ses effets perturbateurs à ceux du changement climatique. D'ici 2027, la température annuelle mondiale dépasserait de 1,5°C les valeurs de référence pendant toute une année au moins. Cette hausse ne serait pas immédiate. Il faut en général attendre une année avant que le mercure ne commence à monter sous l'effet d'El Niño. Donc El Niño est un phénomène de variabilité naturelle du climat. Il va venir s'ajouter en plus à une tendance de réchauffement climatique d'origine anthropique. C'est-à-dire que l'influence d'El Niño va être d'ajouter peut-être un dixième de degré ou quelques dixièmes de degrés en plus d'une empreinte déjà constatée des influences humaines sur les températures moyennes à l'échelle du globe. El Niño pèserait également lourd sur l'économie mondiale. D'ici 2029, il pourrait bien coûter 3 000 milliards de dollars à la planète. Lors des épisodes précédents, infrastructures et agriculture ont été très endommagées par les inondations en Amérique du Sud. Et dans cette même région, terrain de pêche majeur, la diminution des eaux froides et riches en nutriments a éloigné certaines espèces de poissons. Mais que nous réserve El Niño 2023 ? Les prévisions laissent présager un épisode puissant, même s'il reste impossible de déterminer sa durée ou son intensité. En tout cas, sous l'effet du changement climatique, El Niño, l'enfant terrible du Pacifique, risque de devenir encore plus terrible.