Autorisera ? N’autorisera pas ? Le débat se poursuit dans l’affaire du glyphosate, cet herbicide à l’efficacité redoutable. En 2015, il est classé comme cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), mais 8 ans après, l’Union européenne n’est toujours pas tombée d’accord sur le renouvellement de son autorisation. Or en Europe, son utilisation expire mi-décembre 2023. Un nouveau vote aura lieu le 16 novembre prochain, car le mois dernier, les 27 membres de l’Union européenne n’ont pas réussi à trancher. En effet, si les pays d'Europe du Sud et de l’Est ont voté en sa faveur, l’Autriche, l’Allemagne et le Luxembourg se sont prononcés contre. D’autres pays comme la Belgique et les Pays-Bas se sont abstenus, de même que la France, qui était pourtant favorable à son interdiction lors du précédent renouvellement en 2017. Il n'existe pas de consensus scientifique sur le glyphosate. Les études s'accordent sur le caractère dangereux et toxique de la molécule mais il y a une différence entre le danger, intrinsèque au produit et le risque. Par exemple, le feu est dangereux mais dans une cheminée, si on ne met pas sa main dedans, il n'y a pas de risque. Ainsi, un produit peut être dangereux mais à faible risque si l'exposition ou les doses sont limitées. Pour interdire ou non un herbicide c'est ce second aspect qui est pris en compte. S'exposer au glyphosate de manière répétée est dangereux et cela peut être le cas pour les agriculteurs mais pas pour la population générale. Concernant les risques sanitaires, toutes les institutions ne parviennent pas aux mêmes conclusions. L'Institut national de la recherche pour la santé, l'Inserm, rejoint le CIRC pour conclure que l'exposition au glyphosate a probablement un lien avec le cancer mais les instances européennes comme l'EFSA, l'Autorité de sécurité des aliments, estiment qu'il n'y a pas de préoccupation critique liée à l'utilisation de l'herbicide L'EFSA estime également que le glyphosate ne présente pas de risque majeur pour l'environnement mais là encore, d'autres études révèlent un effet négatif sur la biodiversité, notamment sur les pollinisateurs, car l'exposition au glyphosate désorienterait les abeilles. Ces différentes institutions ne sélectionnent pas leurs études scientifiques selon les mêmes règles. Elle ne s'appuient donc pas sur les mêmes références. Le CIRC et l'Inserm prennent en compte un vaste corpus incluant des études universitaires et industrielles, mais de leurs côtés, l'EFSA et les autres agences européennes privilégient des études répondant à un contrôle de qualité prédéfini. Résultat : si ces agences n'excluent pas les publications universitaires, leurs corpus et donc leurs conclusions reposent essentiellement sur des travaux réalisés par les industriels. Impact sanitaire ou environnemental, les débats s'agitent autour du glyphosate. Mais c'est l'un des herbicides les plus utilisés dans le monde. En France, il est notamment pratiqué dans l'agriculture de conservation des sols car il permet de détruire tous les végétaux entre deux cultures, en particulier les plantes dites "indésirables". Pour les agriculteurs, cet herbicide cumule en effet des avantages : un faible coût ainsi qu'une rapidité d'action et d'application. L'interdire risquerait donc de bouleverser les pratiques des agriculteurs mais aussi d'augmenter le prix des aliments sur le marché européen. Reste qu'il y a des doutes concernant ses effets sur l'homme et l'environnement. Comme exemple concret, l'année dernière, le fond d'indemnisation des victimes de pesticides reconnaissait un lien de causalité possible entre la pathologie d'un enfant et l'exposition de sa mère aux pesticides durant la période prénatale. Âgé de 16 an,s Théo souffre d'une maladie grave qui lui a valu de nombreuses opérations du tube digestif. Alors qu'elle était enceinte, sa mère travaillait dans un centre équestre et a manipulé du glyphosate. En France, c'est la première fois que cet herbicide est considéré comme une cause potentielle de malformation congénitale. Mais avant que le lien entre l'exposition à cette herbicide et la maladie soit considéré comme probable et non plus seulement comme possible, de nouvelles études scientifiques devront être menées à bien.