Depuis des milliards d’années, la nature s’organise en écosystèmes dont le but est d’optimiser la matière et l’énergie. Pour cela, le vivant a sélectionné des principes de relations entre espèces comme l’auto-organisation, la coopération, le partage de l’information et l’innovation génétique qui produisent de la richesse et de la diversité. Peut-on transposer ces fonctionnements équilibrés à nos sociétés humaines et, en premier lieu, au monde de l’entreprise ? Il n’y a pas de chef dans le vivant, au sens où il n’y a pas quelqu’un qui donne les règles du jeu. Pour une raison simple, c’est que les écosystèmes sont des systèmes qui sont auto-organisés. En fait, qu’est-ce qui fait qu’un écosystème fonctionne ? C’est juste parce que son évolution dans le temps a fait que les espèces entre elles se sont autorégulées, ont trouvé leur place chacune. Bien sûr que la prédation existe dans la nature. En revanche, c’est plutôt la compétition qui n’existe pas de manière structurelle. La compétition, c’est ce qu’on appelle une relation moins moins, c’est-à-dire que, de toutes façons, même si il y a un gagnant à la fin, il aura dépensé tellement d’énergie que le solde sera négatif pour les deux. Toutes les règles de relation entre les espèces, elles sont basées sur cette question de l’énergie. Donc la coopération, c’est une manière d’économiser de l’énergie. L’exemple qui est intéressant, assez amusant, dans la pollinisation, c’est une relation entre un végétal et un animal qui vient polliniser, on parle plutôt de coopération. La symbiose, c’est une relation mutualiste, c’est-à-dire que c’est un bénéfice réciproque, mais qui devient nécessaire. C’est des relations entre un acacia et une fourmi rouge en Afrique. L’acacia nourrit la fourmi et la protège, et, à l’inverse, la fourmi va protéger l’acacia contre ses prédateurs. C’est-à-dire que dès lors qu’il y a n’importe quel animal qui s’approche de l’acacia, la fourmi va envoyer un jet d’acide qui fait que le prédateur s’en ira. Le partage de l’information, c’est primordial dans le vivant, pour une raison assez simple, c’est uniquement l’information qui peut permettre d’économiser de l’énergie, d’économiser du risque. Dans un écosystème, l’information elle se fait entre deux individus. Et plus un écosystème est évolué, plus il est complexe, plus il y a d’individus, plus les flux d’informations vont être extrêmement partagés d’individu à individu. L’innovation est très importante dans la nature, d’abord parce que c’est grâce à la diversité que la vie peut perdurer. Plus il y a une diversité dans le vivant, plus il y a eu de l’innovation à un moment, et plus il y a de chance qu’il y ait des espèces à l’instant t qui soient adaptées. Et puis, sur le très long terme, c’est la mutation génétique, et là, évidemment, c’est une bibliothèque extrêmement riche puisque ce qu’a fait le vivant ça n’a été que ça, c’est innover en s’adaptant. Dans un monde en mutation permanente, confronté à des enjeux fondamentaux et durables, des relations qui ne reposent que sur la pression ou la compétition ne sont plus adaptées aux changements. C’est pourquoi ces principes issus du vivant inspirent aujourd’hui de nouvelles approches et de nouvelles organisations au sein des entreprises pour le plus grand bénéfice de tous ses acteurs. On a tendance à présenter les entreprises comme étant des sociétés très pyramidales, ce qui a fait leur efficacité quand on était dans un univers qui était relativement maitrisé, relativement certain. Là où cela pose problème, c’est quand on arrive dans un univers qui est de plus en plus incertain, parce qu’on a besoin de traiter l’information au plus proche du terrain et de la traiter très très vite. On est beaucoup plus agile et on est beaucoup plus adapté à un environnement qui change si on arrive à être dans une auto-organisation. Il y a aujourd’hui énormément d’entreprises qui commencent à adapter ce modèle-là. Un des archétypes de ça, c’est ce qu’on appelle la start-up. Pour innover, pour sa recherche et développement, la nature elle fonctionne par essais et erreurs. Celui qui a le mieux réussi dans la question de l’essai et erreur, c’est Microsoft. Historiquement, il a quand même fait débugger ses logiciels par ses propres clients. Dans le vivant, l’innovation résulte systématiquement d’une pression. On résume malheureusement dans l’entreprise, la pression à la compétition, mais c’est pas seulement ça. C’est-a-dire qu’il y a simplement aussi des évolutions du marché, il y a de l’innovation qui peut permettre aussi d’être plus intelligent, plus pertinent. Dire qu’on va être moins en compétition et plus en coopération n’empêche pas du tout l’innovation. La coopération, elle va accélérer l’innovation. On va aller chercher à l’extérieur des compétences, des idées. On va aller marier des choses qui vont être extrêmement fertiles, qu’on avait pas imaginées : associer un produit à un service, associer deux compétences ou des technologies entre elles. Et on peut le faire, encore une fois, même avec nos propres concurrents, dans un intérêt commun, je rappelle qu’il y a des enjeux aujourd’hui majeurs de rupture technologique autour des enjeux climatiques, et bien ça on le fera forcément en coopération. Pour des raisons sociales et sociétales, générationnelles, environnementales, les entreprises vont devoir changer leur modèle économique de manière assez importante dans les décennies qui viennent. Pour ça, c’est vrai que le vivant peut être une source d’inspiration qui est assez forte. Au-delà des entreprises, ce sont toutes les formes d’organisations de nos sociétés, à l’échelle de nos villes, de nos régions et de nos territoires, qui peuvent apprendre de la nature, pour créer à la fois plus de résilience, plus d’intelligence collective et plus de lien social.