La force d’un réseau : les moisissures
Tout est étrange. Les choses sont immenses et minuscules.
Les tiges des fleurs sont épaisses comme des troncs de chêne.
Virginia Woolf
Les moisissures sont des êtres vivants. Ce ne sont pas des animaux. Ce ne sont pas des plantes. Ce sont des champignons filamenteux microscopiques. Des êtres pluricellulaires, qui appartiennent à la famille des eucaryotes, parce que leurs cellules possèdent un noyau. Comme les nôtres. Nous sommes donc nous aussi des eucaryotes. En effet, les moisissures ont un ancêtre en commun avec les animaux, et donc avec les hommes.
Par contre, c’est un autre rameau évolutif qui a donné les plantes et les algues vertes. Nous sommes donc assez éloignés des algues vertes, mais moins des moisissures, qui sont, en quelque sorte, nos cousines. Nos nombreuses cousines.
Car les mycologues, qui sont des chercheurs spécialisés dans l'étude des champignons, connaissent 100 000 espèces de champignons, et estiment leur nombre total à un million et demi.
Et c'est un groupe aussi grand que diversifié. Une colonie de moisissures peut être veloutée, rase, filamenteuse, laineuse, cotonneuse, (faire avec et sans : ou) granuleuse…
Chacune d'entre elles a son propre superpouvoir, sa spécificité. Sous des airs placides, chaque espèce de moisissure est capable à elle seule d'attaquer un petit bout de la planète. L'une grignote… un abricot, l’autre le bois, une troisième les carapaces, une autre s'en prend au sol, ou même à la roche avec l’aide d’une algue - ce qui a donné toutes sortes de lichens.
Mais où qu'il évolue, le champignon vit à l’air libre, à la surface de fruits ou d'autres supports vivants. Il a besoin d’oxygène, et c'est pour cela qu'on dit de lui qu'il est « aérobie ». Ce qui veut dire qu'il survit difficilement à l’intérieur des tissus, parce qu’il a besoin d’air.
Le mycélium, ce réseau filamenteux élaboré par le champignon, n’est pas une racine : c’est le corps du champignon lui-même qui se prolonge. Il s’insinue dans la matière, s’en nourrit – et, en la consommant, la recycle.
Ainsi, dans ce chaos organique apparent, un ordre invisible se construit. Sous cette forme étrange, une nouvelle vie renaît de l’ancienne.