FILM : « Le souffle d’air du grillon » Voix off : Le grillon des bois vit dans les lisières ou les clairières où il se nourrit de feuilles sèches. Lors de l’attaque d’un prédateur, il réussit à s’échapper d’une manière fulgurante. Quelles sont les raisons de cette extrême sensibilité et ne pourraient-elles pas servir de support à de nouvelles technologies ? Chercheur : Lorsque le grillon se fait attaquer, il va percevoir le flux d’air qui est provoqué par l’attaquant par deux organes à l’arrière du corps qu’on appelle des cerques. Ca ressemble à des antennes sur lesquelles il y a une foule de poils. Alors ces poils sur ces antennes servent à percevoir les infimes vibrations de l’air. Chacun de ces poils est extrêmement performant. Il a besoin d’un dixième de l’énergie d’un photon pour réagir et l’insecte va combiner toute cette information pour prendre la fuite avant d’être atteint par le prédateur. Le poil sensoriel du grillon est assez inhabituel parce qu’il est très simple et en même temps extrêmement performant. C’est rien d’autre qu’un simple tube qui va pas se plier lorsque l’air arrive dessus. Il va se bouger à sa base. Il y a un seul neurone à la base de ce poil, ce qui est aussi inhabituel, et c’est cette simplicité qui leur permettra d’être aussi efficace. Au contraire de nous, où nous envoyons strictement toutes nos informations au cerveau principal qui va les traiter et après on va faire une réaction, l’insecte va avoir plusieurs cerveaux à l’intérieur du corps, de sorte qu’il va pouvoir envoyer l’information concernant le flux d’air dans un petit cerveau qui se trouve juste à l’arrière des cerques. Ce petit cerveau arrière non seulement traite l’information qui provient des cerques et de leurs multiples poils, mais il contrôle également le mouvement des pattes arrières. C’est ce qui explique pourquoi au cours des millions d’années d’existence les grillons, ainsi que les blattes qui sont leurs cousins, ont pu échapper aux prédateurs. Ils sont extrêmement rapides parce qu’ils traitent l’information de manière locale. Voix off : La compréhension de la sensibilité extrême du poil de grillon est une source d’inspiration du point de vue biomécanique et électronique afin d’imaginer des micro-capteurs ultraperformants. Chercheur : La performance inhabituelle du poil du grillon a fait qu’avec un groupe d’ingénieurs nous avons voulu recréer ceux ci sous format ingénierie. Et on a fait des micro-capteurs. On appelle ça des mems. On a fait un mems d’un seul poil. Celui ci fonctionnant, on s’est posé la question de comment est-ce que le grillon perçoit toute l’image de l’attaque ? Et pour ça, il faut additionner les informations qui proviennent de plusieurs poils. Nous avons donc connecté ensemble plusieurs poils électroniques et nous sommes arrivés à la définition d’une caméra biomimétique de flux. Autrement dit, à la place des pixels qu’on retrouve sur les caméras usuelles, on va avoir des poils. Et on a une série de poils qui mesure une image de flux. Ces travaux, qui sont d’une portée à long terme voire à moyen terme, seront utiles dans deux contextes. Le premier, c’est la mesure de très petits flux dans des très petits volumes, ce qu’on appelle un laboratoire sur une puce, lab on a sheap en anglais, consisteront à faire des analyses de produits chimiques en temps réel. Le deuxième domaine d’application potentiel de nos poils, ce sont les drones du futur. Les drones du futur auront des ailes battantes comme les insectes ont ou les chauves souris. Dans ce genre de système, il faut que la course de l’aile soit contrôlée en temps continu. L’aile n’a pas toujours le même mouvement. Il faut donc pouvoir mesurer ce que fait l’aile, en particulier en terme de turbulence. Et là nos poils sont absolument idéaux parce qu’ils sont de petites tailles et on peu les mettre partout. La démarche bio-inspirée est promise à un bel avenir pour plusieurs raisons. Premièrement, l’étude même du règne animal montre qu’il y a beaucoup de combines que nous n’avons pas encore essayé dans le monde de l’ingénieur. Deuxièmement, ce qui est frappant, c’est l’efficacité de ces système biologiques qui sont très peu gourmands en énergie. Avec un quart ou un dixième de l’énergie d’un photon, on a un système sensoriel qui fonctionne. Le monde de l’ingénieur est à des années lumière de ceci. Donc, il y a encore beaucoup de marge pour le bio-inspiré. Voix off : Le système biologique des poils de grillon n’a pas encore livré tous ses secrets en particulier dans sa partie neuronale. Il est même envisagé de transposer cette approche bio-inspirée au fonctionnement olfactif des insectes.
Réalisation :
Pascal Moret , Jean-Philippe Camborde
Production :
La Belle Société - Universcience - CNRS Images - Inserm - France Télévisions - MNHN - A way to wake up - Ceebios - Ville de Senlis - Biomimicry Europa
Année de production :
2016
Durée :
4min06
Accessibilité :
sous-titres français