1 Le travail de bureau au XIXe siècle, c'est un métier d'homme. On écrit lentement sur des livres de comptes en trempant la plume dans un encrier. Pourtant, à partir des années 1880 une révolution se prépare, qui va faire entrer les femmes dans l'univers des bureaux. Son nom ? La machine à écrire. Remington standard 1907. La Remington standard est une machine techniquement parfaite. Elle restera quasiment inchangée pendant plusieurs décennies. Chaque touche commande un petit marteau qui vient frapper la feuille de papier. Tous les marteaux tapent au même endroit, c'est le chariot portant la feuille qui se déplace de droite à gauche. Des touches de tabulation commandent au chariot de venir à une position précise : utile pour écrire par exemple une adresse bien alignée sur un côté de la feuille. A chaque frappe le ruban encreur vient s'interposer entre le marteau et la feuille. En bas du clavier les touches majuscules : Elles soulèvent l'ensemble du chariot. Quand une touche est tapée c'est alors la partie inférieure du marteau qui vient frapper le chariot, partie ou la lettre en relief est majuscule. La manette de retour chariot permet d'un geste de ramener celui-ci vers la droite tout en faisant tourner le rouleau et passer à la ligne suivante. Aucune énergie extérieure n'est nécessaire pour actionner la machine : pas d'électricité, pas de ressort remonté qui se détend. Non ! Tout fonctionne à la seule force des doigts du dactylographe. La première machine à écrire est conçue par un imprimeur américain, Christopher Latham Sholes, en 1873. Il s'associe avec un fabricant de fusils militaires, Remington. La première machine sort des usines un an plus tard. Le texte s'écrit sous le rouleau, le dactylographe ne le voit pas. D'autres propositions techniques voient le jour pour mécaniser l'écriture. Faut-il réellement un clavier ? Pour écrire majuscules et minuscules, on pourrait avoir un clavier double. Il aura d'ailleurs assez longtemps ses partisans. Et puis dans quel ordre mettre les lettres ? Deux lettres qui se suivent souvent dans une langue ne doivent pas être associées à des marteaux voisins. Sinon ils risqueraient de se coincer. D'où le clavier QWERTY des anglophones et AZERTY des francophones. "Tu m'as dit si tu m'écris Ne tape pas tout à la machine" Blaise Cendrars, 1920. "Ajoute une ligne de ta main Un mot un rien oh pas grand-chose Oui oui oui oui oui oui oui oui Ma Remington est belle pourtant Je l'aime beaucoup et travaille bien Mon écriture est nette et claire On voit très bien que c'est moi Qui l'ai tapée Il y a des blancs que je suis seul à savoir faire Voit donc l'œil qu'a ma page Pourtant pour te faire plaisir j'ajoute à l'encre Deux trois mots Et une grosse tache d'encre Pour que tu ne puisses pas les lire." A partir de 1880, la machine à écrire envahit les bureaux aux États-Unis. Elle permet une chose extraordinaire : faire des copies et cela grâce au papier carbone. une feuille, un carbone, une feuille, un carbone et cela jusqu'à 20 fois : en écrivant une fois un texte, on obtient immédiatement plusieurs copies identiques. Au revoir livres de comptes encrier, copistes. Bonjour fiches, classeurs et armoires de rangement. Mais comment convaincre les chefs de bureau de s'équiper ? Pour faire leur publicité les fabricants de machines à écrire organisent des concours de dactylographes. Au cours des derniers championnats, j'ai réalisé la vitesse de 148 mots/minute soit 15 frappes/seconde battant ainsi tous les précédents records. Le métier de dactylographe devient rapidement la spécialité des femmes et cela selon leur propre volonté. Après quelques cours, elles peuvent facilement trouver un travail. La machine à écrire devient leur moyen d'émancipation. Certains affirment aussi que c'est la pratique du piano, indispensable à l'éducation de toutes jeunes filles honnêtes, qui prédisposerait les femmes à la dactylographie. Après la Seconde Guerre mondiale, c'est devenu naturel : la dactylographie est un métier de femme. De nombreuses écoles apparaissent où les jeunes filles apprennent leur futur métier de secrétaire dactylographe. La machine à écrire vivra un peu plus de 120 ans. Elle traverse tout le siècle mais sera détrônée par un nouveau venu, plus rapide, plus complet et plus pratique : l'ordinateur avec le traitement de texte. La machine à écrire disparaît mais laisse un dernier souvenir : l'ordre des touches du clavier hérité du temps où des petits marteaux tapaient la feuille blanche.
Réalisation :
Roland Cros
Production :
Universcience
Année de production :
2011
Durée :
7min54
Accessibilité :
sous-titres français