Maria Margarethe Kirch, astronome, elle aussi découvreuse de comètes. Offrez lui mille conditions de départ, la misogynie retombera toujours sur ses pattes. Car le tableau d’origine est idyllique pour Maria Winckelmann, qui voit le jour en 1670 près de Leipzig, en Allemagne, au sein d’une famille faisant preuve d’autant de ferveur religieuse que de modernité. Son père, pasteur luthérien, estime que sa fille a le droit de recevoir la même éducation que les jolies têtes blondes au masculin. Après la mort du dévot, c’est au tour de l’oncle Christopher Arnold, astronome autodidacte de pérenniser son éducation. Vite impressionné par l’expertise de son jeune disciple en jupe, Arnold la consacre apprentie officieuse, puis assistante officielle. Dans cet univers de muscle et de sueur, Maria fait la rencontre de Gottfried Kirch, un des astronomes les plus en vue de l’époque. Malgré les 30 ans qui les séparent et la réprobation de l’oncle - Kirch n’est pas un pasteur luthérien ! - ces deux-là tombent amoureux et se marient en 1692 et pondent quatre beaux enfants. Sensibilisé très tôt à l’accès des femmes à l’éducation, Kirch encourage même sa concubine à poursuivre les étoiles plutôt qu’à laver son linge. Idyllique, on vous dit ! A égales compétences astronomiques, les Kirch forment alors un couple à la fois domestique et professionnel hors du commun dans le paysage scientifique. Sauf que dans les faits, le statut social des femmes de l’époque contraint Maria à se présenter comme l’assistante de son mari, au point de lui céder la «maternité» de sa découverte d’une comète, le 21 avril 1702. A posteriori, c’est la première fois qu’une femme débusque un tel objet. A posteriori seulement. Déterminer pourquoi le maître de maison s’est octroyé le crédit pour la découverte de sa femme revient à choisir entre un sexisme et un autre. Gottfried, alors astronome attitré du roi, était-il terrorisé à l’idée de passer pour un homme au foyer, un changeur de couche, pis, un inverti ? ou bien s’est-il laissé emporter par la soif de gloire ? Il aura beau dévoiler la supercherie huit ans plus tard, à l’aube de sa mort, Maria ne recevra jamais l’honneur de baptiser la comète à son nom. Restée seule avec ses télescopes et sans revenu, la scientifique daigne, dans un sursaut de dignité, quémander la place laissée vacante par son défunt mari d’astronome et concepteur de calendrier une activité qu’ils menaient ensemble depuis leurs débuts, à l’Académie royale des sciences. Sans surprise, Maria se heurte à un mur de bêtise soudé à la testostérone. Le poste sera finalement accordé à un parfait incompétent dans le domaine. Maria continuera ses observations en famille, sous la perfusion financière d’un astronome amateur passionné. De ses quatre enfants, seul le mâle Christfried décrochera l’ancienne position de papa, refusée à la mère. Ses trois sœurs deviendront ses « assistantes ». Un conte de fée ! Un conte de fées !
Réalisation :
Jean-Paul Guirado
Production :
Gald, en partenariat avec Universcience
Année de production :
2020
Durée :
3min33
Accessibilité :
sous-titres français