1 Depuis l'invention de l'imprimerie par Gutenberg, la composition des pages se fait lettre à lettre. Mais aux Etats-Unis, à la fin du XIXe siècle, une révolution se prépare. Monotype, clavier et fondeuse, brevet 1892. La monotype automatise la mise en page des textes à imprimer. Le clavier offre un jeu étendu de touches. Ce sont les multiples caractère qui apparaissent couramment dans une page à imprimer. Chaque touche appuyée provoque la perforation de la bande papier. C'est un code qui sera interprété plus tard par la fondeuse. Le tambour chiffré aide le claviste à calculer un nombre un peu mystérieux pour l'alignement parfait du texte. Ce nombre est lui aussi codé par des perforations sur la bande de papier. Tout est mécanique : de l'air comprimé anime les engrenages et les leviers, fait jaillir les picots. L'électricité ne sert qu'à la petite lampe qui éclaire le texte à composer. Ailleurs, plus loin, une autre machine... La fondeuse avec son four brûlant de plomb en fusion. Elle va décrypter les informations contenues sur la bande perforée pour fondre des lignes du texte à imprimer. Les perforations commandent le déplacement d'une matrice cachée au cœur de la machine. Le plomb en fusion y est injecté formant les lettres une par une, ligne après ligne. En quelques minutes, mécaniquement, sans aucune intervention humaine, une colonne de textes parfaitement alignée est prête. Ne reste plus qu'à les mettre en place sur la planche d'imprimerie. L'inventeur de cette machine si ingénieuse c'est Tolbert Lanston. Il n'était pas typographe ni imprimeur. Non : avocat. Mais un avocat qui a une drôle de manie, celle d'inventer tout et n'importe quoi. Un fer à cheval amovible, un robinet antifuites - qui se ferme tout seul en cas d'oubli - un cadenas, une brosse peigne - qui brosse et peigne en un seul passage. Ou encore une machine à additionner. C'est finalement la rencontre de Lanston avec le fils d'un propriétaire de journal qui oriente l'avocat vers l'imprimerie. Il imagine sa première machine à composer en 1887. Pas au point : lente et chère. La première monotype vraiment opérationnelle apparaîtra 5 ans plus tard... La monotype, avec sa concurrente la linotype, vont bouleverser le monde de l'imprimerie. Le temps de préparation d'une page est maintenant divisé par dix. Autre intérêt : plus la peine de conserver des tonnes de caractères mobiles. Chaque lettre est maintenant fondue à la demande. De plus la composition est gardée en mémoire sur le rouleau de papier. Pour la réimpression d'un livre, il suffit de refondre la planche et le tour est joué. L'amélioration de la productivité menace directement les emplois. Pourquoi garder tous ces ouvriers qu'une machine remplace si facilement ? Pourtant la mise au chômage fut limitée. Les syndicats du livre alors très puissants imposent plutôt l'amélioration des conditions de travail : réduction des horaires, meilleurs salaires. Un exemple : les typographes de presse obtiennent les neuf heures par jour en 1906. Au final toute la presse en profite : la pagination des journaux augmente, les ventes suivent. Accessoire indispensable de la monotype : le jeu de claviers. Selon la langue ou le type de livres édité, les 258 touches peuvent s'avérer insuffisantes. Des claviers spécifiques existent pour composer n'importe quel type d'ouvrage : du roman aux textes grecs en passant par le manuel de mathématiques débordant de formules. "La typographie est une technique ayant un but tout d'abord utilitaire et ensuite parfois esthétique." Stanley Morison, typographe. "Le plaisir de la composition est rarement l'objectif principal du lecteur. Par conséquent dans l'ipression de livres destinés à être lus, il y a peu de place pour une typographie visible. Un bon créateur de caractères sait que, pour qu'une police réussisse, elle doit être si belle que seuls quelques uns s'apercevront de sa nouveauté." Conséquence inattendue, le changement technique va provoquer une explosion artistique sans précédent dans la création de nouvelles typographies. De grands noms dessinent pour elle. La création la plus célèbre sera certainement la Times new roman imaginée en 1931 par Stanley Morison pour le journal anglais The Times. On redécouvre aussi des caractères anciens comme le Garamond copie d'une police vieille de plus de trois siècles. Aujourd'hui, la société Monotype existe toujours : elle créé et vend des polices de caractères pour l'informatique. Sur son catalogue, les créations fantaisiste côtoient les polices archiconnues. Fini le plomb, voici venu le temps des informaticiens.
Réalisation :
Roland Cros
Production :
Universcience
Année de production :
2011
Durée :
8min48
Accessibilité :
sous-titres français