Pour la première fois lors de cette COP 28 on va tirer les conclusions de ce qui a réussi et ce qui a échoué dans les politiques mises en place par les États depuis la signature de l'accord de Paris lors de la COP 21 en 2015. Tout cela ne se reflète pas encore dans les chiffres d'émissions de gaz à effet de serre. Depuis 2015, les émissions ont augmenté de 7 %. Pour tenir l'objectif de limitation du réchauffement en-dessous de 1,5°, il est nécessaire de réduire les émissions de - 43 % entre le niveau de 2019 et 2030. Or aujourd'hui, d'après la dernière évaluation de l'ONU Climat sur les engagements des États, si ces engagements étaient mis en œuvre dans leur intégralité on ne parviendrait à réduire les émissions que de 2 %. On n'assiste pas véritablement à une substitution des usages décarbonés aux usages et au modes de production carbonés. En fait, on est dans une situation d'accumulation. Certes, on produit et on consomme toujours plus de renouvelables, on électrifie davantage nos usages, mais cette transition est sans cesse dépassée par l'accroissement de la demande. On a verrouillé le système économique dans une situation de dépendance aux énergies fossiles. Les compagnies pétrolières investissent moins de 2 % de leurs investissements dans les énergies renouvelables mais elles essaient de prolonger le plus longtemps possible la rentabilité de la production du gaz ou du pétrole. Ça nous mène à une situation où la production d'hydrocarbures devrait continuer à augmenter. On a plusieurs signaux positifs au niveau de la société civile qui a développé une vraie culture de mobilisation avec ces fameuses grèves pour le climat, un répertoire de désobéissance civile avec des interruptions de grands événements sportifs mais aussi ouvrir des procès contre des entreprises ou des États qui n'auraient pas tenu leurs objectifs. La première bonne nouvelle c'est quand même les investissements dans les énergies renouvelables qui prennent le dessus sur les énergies fossiles. A partir de 2024 ou même peut-être déjà de 2023, en terme de volume financier mobilisé, les énergies renouvelables dépassent les énergies fossiles . Néanmoins, il y a pas encore de substitution des renouvelables aux énergies fossiles. Donc c'est une transition en "oui mais". On peut dire ça aussi par exemple du secteur des transports où on a une électrification croissante de la mobilité notamment automobile. Les voitures électriques occupent aujourd'hui 14 % des ventes mondiales en 2022. Elles étaient à 4 % en 2020. Ça c'est très positif. En revanche, cette électrification dépend de la capacité des états à décarboner leur mix électrique. Donc en fait si derrière l'électrification des véhicules, il y a du charbon pour produire de l'électricité, alors l'effet est atténué. Et puis, la deuxième chose, c'est quand même une appétence du marché automobile, si on reste sur ce sujet-là, pour des véhicules extrêmement lourds comme les SUV : ils sont à la fois plus lourds, moins efficaces, et ils réclament davantage de matières premières. Et puis troisième tendance plutôt positive que j'aimerais souligner : c'est celle des forêts. On a globalement un ralentissement de la déforestation avec quand même des volumes déforestés qui sont équivalents à la superficie de l'équateur chaque année donc c'est considérable, mais on voit quand même que certains pays parviennent à faire basculer le rythme de la déforestation. C'est le cas de l'Indonésie. Voilà comment on pourrait ici résumer quelques signaux positifs sur 3 secteurs différents. Tout d'abord, c'est dresser des constats : l'insuffisance des progrès accomplis depuis 2015. On peut attendre également la bascule d'un cycle que je qualifierais d'ambition vers un cycle de mise en œuvre. On sait que l'ONU n'a pas mandat aujourd'hui pour adresser des sanctions ni aux États qui ne respectent pas leurs engagements, ni aux entreprises ou aux villes. L'ONU Climat a souhaité proposer aux États l'adoption d'un cadre de reconnaissance et de redevabilité pour les acteurs non étatiques qui s'engagent sur la neutralité carbone afin de faire en sorte que ces engagements et ces objectifs ne soient pas que des paroles dans le vide et qu'on puisse réellement mettre en place un système de suivi et peut-être de redevabilité. Ensuite il y a le fond des pertes et dommages qui vise à mettre en place des dédommagements financiers pour les États qui subissent aujourd'hui les conséquences du réchauffement climatique en raison de la responsabilité historique des pays développés dans les émissions mondiales. Tout l'enjeu de ces négociations-là sera de déterminer quels pays sont considérés historiquement responsables des émissions. Je mentionne au passage une étude sortie aujourd'hui de Carbon Brief sur l'impact historique des nations coloniales, et on voit que la Chine qui est un empire qui n'a pas beaucoup de portée extérieure historiquement est quand même responsable d'une grande partie des émissions. C'est la capacité des pays du Nord à répondre aux demandes des pays du Sud en terme de financement pour la transition. et ça, ça va être le principal point d'achoppement de toutes les négociations. Je pense qu'on ne peut pas attendre véritablement de décision sur la sortie du charbon ou des énergies fossiles de manière générale, surtout dans le contexte d'une présidence émirati. En revanche on peut s'attendre quand même à un engagement sur la réduction des émissions liées à ces énergies fossiles. C'est en tout cas le narratif que veulent mettre en place les Émirats arabes unis pour porter des technologies comme la capture du carbone ou la production d'hydrogène
Réalisation :
Marie Brière de la Hosseraye
Production :
Universcience
Année de production :
2023
Durée :
5min41
Accessibilité :
sous-titres français